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Procès du « bébé du coffre », Séréna: jusqu’au bout, un cas de « conscience »

Maltraitance « en conscience » ou « dissociation psychique » plausible sur la durée ? La justice rendra mercredi son verdict en appel sur les 23 premiers mois de confinement et de carences inouïes de Séréna, le bébé dit « du coffre », dont nul, encore mardi à l’avant-dernier jour d’audience, n’aura su percer le secret de la mère.

Rosa da Cruz, 51 ans, détenue depuis sa condamnation il y a 11 mois à deux ans de prison ferme, encourt 20 ans de réclusion. Au terme de huit jours d’audience à Limoges, réquisitoire et plaidoirie de la défense sont attendus mercredi matin, avant que les jurés, huit femmes et un homme, ne délibèrent.

Mardi, les parties civiles –deux associations de protection de l’enfance, et le département de la Corrèze, dont l’Aide sociale est administrateur ad hoc de Séréna– ont avec méthode, ou émotion, tenté de saper la ligne de défense: un « déni de grossesse », suivi d’un « déni d’enfant ».

Déni de grossesse, d’accouchement, d’enfant… « Attention à ne pas tomber dans le déni de justice, par un déni de justesse d’analyse », a mis en garde Me Rodolphe Costantino, avocat d’Enfance et Partage. Il a appelé à se méfier du « piège de l’empathie », « bercés par le discours nécessairement empathique de soignants », psychiatres, etc ; des « abstractions catégorielles » qui sont « un moyen de contenir l’horreur à distance ».

Est-ce que le déni de grossesse existe ? « C’est une réalité clinique ». Mais la « thèse a été servie sur un plateau d’argent » à l’accusée. « Elle s’est imposée naturellement à elle, car c’est la plus déresponsabilisante. A minima pour échapper à ses responsabilités à ses propres yeux, à nos yeux ensuite », a-t-il plaidé.

« J’interviens pour la +chose+ », a d’emblée lancé Me Isabelle Faure-Roche, pour le département de Corrèze, reprenant le terme maintes fois invoqué par Rosa da Cruz, qui a assuré avoir été incapable de voir sa 4e enfant comme un bébé, mais comme « une chose ».

S’appuyant sur les auditions des psychiatres — pas tous d’accord– elle a balayé l’idée d’une « sidération psychique » qui aurait duré 23 mois, et d’une « conscience » de la mère sur un mode alternatif, « on/off ».

– « Le soin que tu donnes à ta rose » –

« Elle l’a élevée, sa gamine, même mal. Elle lui a donné à manger, même mal. Elle l’a soignée, même mal », sans quoi l’enfant n’aurait pas survécu. « On n’appuie par sur un bouton +j’ai conscience+, un bouton +j’ai pas conscience+ », s’est emportée l’avocate.

« Dès qu’il y a prise de conscience, aussi courte soit-elle, on n’est plus dans le déni », a renchéri Me Costantino. « On n’aura pas les réponses à toutes les questions, qui sont comme des poupées russes », et Rosa da Cruz restera « femme de mystère ». « Elle ne parvenait pas à l’aimer. Elle ne l’a pas tuée d’un trait mais elle est entrée dans une logique mortifère. Elle la tuait à petit feu », a-t-il ajouté.

« Aller savoir ce qui s’est joué au plus profond de l’âme de Mme da Cruz, c’est un luxe qui n’est pas nécessaire pour juger », a lancé en écho Me Marie Grimaud, avocate de L’innocence en danger.

Autre avocate du département, Me Marie-Pierre Peis-Hitier a pour sa part reconvoqué Séréna, « qui ne saura jamais lire, écrire, compter. Ce qu’on espère, c’est qu’un jour elle pourra faire des phrases, pour exprimer ses besoins… ».

Depuis sa découverte en 2013 dans un coffre de voiture, la prise en charge des retards de développement de Séréna, entre famille d’accueil et institut spécialisé, aura coûté plus de 261.855 euros. Pour autant, « elle finira sa vie dans un institut (…) Quelque part, elle y restera toujours, dans son coffre », a rappelé Me Peis-Hitier.

« Le soin que tu donnes à ta rose, est ce qui rend ta rose unique », a conclu, émue, Me Faure-Roche, paraphrasant « Le Petit prince », avant de lancer à l’accusée: « Aujourd’hui cette gosse, c’est notre gosse à tous. Vous méritez une sanction ».

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