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Au Niger, triple front sécuritaire à quatre mois de la présidentielle

Au coeur du Sahel plongé dans la tourmente jihadiste, le Niger fait face à des menaces sécuritaires grandissantes alors que se profile en décembre une élection présidentielle au fort enjeu.

Dans ce pays d’Afrique de l’Ouest enclavé où six Francais et deux Nigériens ont été assassinés dimanche, maintenir le pays à flot face aux menaces sécuritaires multiples est comme aux Mali et Burkina Faso voisins le principal enjeu.

Le Niger voit son armée « extrêmement mobilisée et sollicitée » sur « trois fronts de déstabilisation », explique Niagale Bagayoko, présidente du Réseau africain du secteur de la sécurité.

– Aux « trois frontières », menace grandissante –

Dans l’ouest, l’immense et instable région de Tillaberi fait partie de la zone dite des « trois frontières » entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Y sont implantés des groupes jihadistes depuis plusieurs années, qui attaquent à fréquence régulière les symboles de l’Etat sur place, camps militaire en tête, mais aussi enlèvements de fonctionnaires, assassinats ciblés.

Le principal groupe jihadiste implanté est celui d’Abou Walid Al-Sahraoui, nommé par ses ennemis Etat islamique au grand Sahara (EIGS) et affilié depuis 2015 à l’organisation Etat islamique (EI). Il est à l’origine de dizaines d’attaques de camps dans les trois pays, et notamment au Niger: fin 2019 à Inatès, 71 soldats tués, et Chinégodar début 2020, 89 soldats tués.

Sont également présents dans cette zone des éléments du Groupement de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaïda). S’ils ont par le passé pu collaborer de façon épisodique sur des attaques ciblées, les différents groupes jihadistes liés à l’EI et à Al-Qaïda se combattent depuis début 2020 au Sahel, principalement dans le Gourma au Mali.

Au Niger comme ailleurs au Sahel, ces groupes prospèrent sur un sentiment d’abandon des populations rurales et des conflits préexistants entre communautés.

Dans un récent rapport, le think-thank International Crisis Group (ICG) expliquait que le conflit dans la zone de Tillabéri est « fondamentalement motivé par les concurrences inter et intracommunautaires autour des droits et des ressources, conflit que l’Etat islamique a su exploiter à son profit ».

– Dans l’Est et le Nord, deux autres fronts –

Dans l’est, le Niger fait face à une autre menace jihadiste, sur les rives du Lac Tchad: le groupe jihadiste Boko Haram y sévit, comme ISWAP (groupe jihadiste lié à l’EI, né d’une scission avec Boko Haram en 2016). Les attaques jihadistes dans cette région du Niger sont nombreuses depuis cinq ans, notamment à Diffa, principale ville du sud-est nigérien.

Enfin, le nord du Niger est frontalier de la Libye en conflit. La passe de Salvador, immense étendue désertique à la frontière entre les deux pays et le Tchad, est réputée zone de trafics d’armes, de drogue, et de migrants.

« Si l’armée nigérienne est sur tous les fronts, il ne faut pas oublier les engagements multinationaux du Niger », dit Mme Bagayoko: l’armée est présente dans deux forces sous-régionales, la Force conjointe du G5 Sahel au Sahel et la Force multinationale mixte au Lac Tchad, ainsi qu’au sein de la Mission de l’ONU au Mali (Minusma).

Bien que réputée « plus solide », selon Mme Bagayoko, que certaines armées de la région, l’armée nigérienne reste sous-formée et sous-équipée. Elle paie un lourd tribut humain depuis le début de la crise.

– Election présidentielle à venir –

C’est dans ce contexte que Niamey aborde l’élection présidentielle fin décembre. Le président Mahamadou Issoufou, après deux mandats, ne se représente pas. L’un des piliers du pouvoir, l’ancien ministre de l’Intérieur Mohamed Bazoum, sera candidat du parti présidentiel.

« L’image de verrou stable de la région qu’avait le Niger a été ternie par les nombreuses attaques récentes sur l’armée et les scandales de détournements de fonds », dit Yvan Guichaoua, chercheur à l’Université de Kent (Grande-Bretagne).

Car, malgré « des efforts faits en matière de consolidation de la paix », il y a « des problèmes de gouvernance dans le secteur de la sécurité, comme l’ont révélé l’audit sur la gestion frauduleuse des budgets de la défense, l’adoption d’une loi contestée sur la cybersécurité et l’arrestation de journalistes et blogueurs », déplore Mme Bagayoko.

Enfin, la capitale Niamey voit la menace sécuritaire se rapprocher: la prison la mieux gardée du pays à Koutoukalé (60km au nord de Niamey) a subi une attaque en mai 2018 et un poste de police aux portes de la capitale a été attaqué en juin 2019, tuany deux policiers tués.

Dimanche, c’était la première attaque dans la zone du parc naturel de Kouré à 60 km de Niamey, lieu de visite en week-end de nombreux habitants de la capitale, nigériens comme expatriés.

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