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Les « traditions » de Saint-Cyr à la barre du tribunal de Rennes

« Fines », « Crocos », « bazars »… Le tribunal correctionnel de Rennes s’est attardé lundi sur les traditions et l’étrange vocabulaire des Saint-Cyriens à l’ouverture du procès de sept militaires pour la noyade d’un élève officier de la prestigieuse école militaire en 2012.

Cinq élèves-officiers à l’époque des faits, aujourd’hui âgés de 28 à 31 ans, cheveux courts, vêtus d’impeccables costumes-cravate, ont pris place sur le banc des prévenus, aux côtés de deux membres de la hiérarchie de l’école de l’époque: le général Francis Chanson, 58 ans, et l’ancien commandant de bataillon Hervé Wallerand.

Jallal Hami s’était noyé dans la nuit du 29 au 30 octobre 2012, en traversant un étang lors d’une soirée de « bahutage », c’est-à-dire « de transmission des traditions de l’école » de Coëtquidan (Morbihan).

« Ce n’est pas un procès entre une famille de banlieusards, d’arabes, de musulmans contre l’armée française », a souligné Rachid Hami, frère aîné de la victime, avant l’ouverture du procès. Selon lui, c’est un procès « contre les dysfonctionnements de l’institution militaire » et « contre les élèves de deuxième année qui ont trahi » son frère.

Ces élèves de deuxième année, « les Fines », étaient chargés d’organiser la « transmission des traditions », à l’intention des « bazars », les élèves de première année, a précisé le président du tribunal Alain Kerhoas, au cours d’un bref exposé lexical.

Une activité qui vise « à inculquer des valeurs », à « créer des moments d’enthousiasme et de cohésion », a expliqué l’un des prévenus, Simon Pitance, 30 ans, capitaine à la 4e brigade d’aérocombat de Clermont-Ferrand. Après la noyade de Jallal Hami, « l’enthousiasme s’est évidemment tu face aux conséquences dramatiques de l’accident », a-t-il concédé.

Il s’agissait pour les nouveaux incorporés de l’école de traverser un étang à la nage, de nuit, sur une distance de 43 mètres, avec casques et rangers, dans une eau à 9°C, dans le cadre d’une activité ayant pour thème le débarquement des Alliés en Provence.

Trois catégories d’élèves avaient toutefois été dispensés d’activité par leurs aînés: les « crocodiles » (les élèves africains), les « porcelaines » (les exemptés) et enfin les « sans chibre » (les femmes).

– « Inconscients » –

Tous les autres, soit environ 120 personnes, s’étaient jetés à l’eau en deux passages, au rythme de la chevauchée des Walkyries de Wagner, comme dans le film « Apocalypse Now » de Francis Ford Coppola. Très vite, de nombreux élèves s’étaient retrouvés en difficulté, buvant la tasse, s’agrippant les uns aux autres dans un embouteillage de nageurs.

Des bouées avaient été lancées par les organisateurs pour extirper les élèves, avant que Jallal Hami, parti lors de la 2e vague, ne soit signalé manquant. Prévenus une heure plus tard, les pompiers repèreront son corps à 02H35 du matin.

« J’avoue que nous avons été inconscients », avait reconnu Simon Pitance, en 2013 devant les enquêteurs. A l’audience, il a esquivé toute remise en cause personnelle, se retranchant derrière la décision du « Conseil des Fines », dont il n’était pas membre, d’organiser cette activité.

Âgé de 22 ans au moment des faits, titulaire d’un brevet de maître-nageur, le jeune élève-officier avait fait une reconnaissance de la traversée de l’étang avant le passage des « bazars ». L’année précédente déjà, des élèves avaient éprouvé des difficultés à traverser.

« N’est-ce pas une bêtise de persévérer? Ça interroge quand même le bon sens », remarque le président. « Le bon sens doit être collectif. Ils ont voulu refaire cette activité, je n’étais pas contre », répond le prévenu, qui dit avoir « beaucoup apprécié » cet atelier quand il était en première année en 2011.

Puis l’avocat des parties civiles, Me Camille Radot, lui rappelle les panneaux « baignade interdite » installés sur la rive. « Ça ne vous interpelle pas? », demande-t-il.

« Ça ne m’a pas interpellé, j’ai confiance en mon carré », persiste le capitaine.

« J’avais une autre idée de ce qu’est la notion de responsabilité pour un officier de l’armée française », lâche après un autre échange le procureur Philippe Astruc.

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