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Ismaël Omar Guelleh poursuit son règne à la tête de Djibouti

Le président sortant vient d’être réélu à la tête de Djibouti avec 98% des voix. Celui qui dirige le pays depuis plus de vingt ans entame son cinquième mandat dans un climat de suspicion, alors qu’aucun des problèmes auxquels fait face le pays ne semble pouvoir être réglé.

Une élection sans enjeu, qui se termine avec un score… de dictateur africain. Telle est la conclusion logique d’un scrutin aux allures de promenade de santé pour celui qui, à 73 ans, s’apprête à rempiler pour cinq années supplémentaires à la présidence de Djibouti.

C’est par un tweet émis dans la nuit de vendredi à samedi que le président sortant s’est adressé à ses partisans pour revendiquer sa victoire : « Merci pour votre confiance, merci pour Djibouti ! Continuons ensemble ! ». Ses soutiens et affidés se sont empressés de souligner la « confiance absolue » dont témoignait cette réélection, allant jusqu’à saluer une « victoire du peuple ».

Mascarade démocratique et candidat fantoche

L’opposition, fidèle à sa ligne de conduite, a dénoncé une « mascarade ». Les partis opposés au régime, dont la confiance envers le système électoral est nulle, avaient pris les devants en décidant de ne pas présenter de candidat face au sortant. Celui-ci se retrouvait donc avec pour seul «adversaire» Zakaria Ismail Farah, un homme d’affaires inconnu sur la scène politique, et encore plus du grand public. Ce candidat fantoche n’a même pas pris soin de faire campagne. Il semblerait qu’on ait perdu sa trace jusque dans les bureaux de vote, où aucun journaliste ne l’aurait aperçu le jour J.

Le seul véritable enjeu de ce scrutin concernait la participation, l’opposition ayant appelé au boycott. Le soir du vote, le Premier ministre a évoqué un taux de participation de 77%, chiffre remis immédiatement en question par l’opposant Abdourahman Mohamed Guelleh, du parti Radde. Celui-ci appelle désormais à contourner le système en place, tout en préparant l’après-Ismaël Omar Guelleh.

Un pays en proie à l’immobilisme

En attendant, le pays s’apprête à poursuivre sur la voie ouverte il y a plus de vingt ans, quand l’actuel détenteur du pouvoir a décidé de tout miser sur la position de carrefour dont les hasards du commerce mondial ont doté Djibouti. Depuis cette époque, l’orientation politique n’a pas changé : ouvrir le pays aux puissances étrangères en escomptant des retombées matérielles pour les Djiboutiens. Un choix qui s’est traduit par la multiplication des infrastructures militaires sur ce petit territoire qui contrôle l’accès à la Mer Rouge et au Canal de Suez. Le nombre de pays présents à travers leurs forces armées n’a cessé de croître, en échange de copieuses contreparties financières. Dans le même temps, le port de Djibouti devenait un hub commercial sur la Corne de l’Afrique.

Hélas, cette ouverture tous azimuts n’a que modérément profité aux habitants. Les grands projets d’infrastructure décidés par le pouvoir n’ont créé que peu d’emplois. Le chômage s’élève au-dessus des 60% et frappe particulièrement les jeunes. D’après la Banque mondiale, un quart des Djiboutiens vit dans une pauvreté extrême. A cela s’ajoutent les privations démocratiques dont ils font l’objet : censure, surveillance policière, arrestations arbitraires.

Situation de dépendance à l’égard de la Chine

Autre héritage problématique du président réélu : sa stratégie s’est traduite par une dépendance accrue à l’égard du mastodonte chinois. Pékin a fait de Djibouti l’une des cibles de son soft power, dans le cadre d’une stratégie d’expansion économique méticuleusement pensée et mise en œuvre. En moins de dix ans, 14 milliards de dollars ont été déversés dans l’économie du pays. La Chine, avec ses capitaux illimités, s’est transformée en banquier pour Djibouti, au point de détenir aujourd’hui 70% de sa dette.

La dépendance à l’égard de Pékin est aujourd’hui perçue comme un facteur majeur de déstabilisation. Bientôt, les entreprises chinoises pourraient prendre le contrôle d’une partie du pays, un scénario auquel on a déjà pu assister en Grèce ou au Sri Lanka. La situation est telle que, du statut d’ami de Pékin, M. Guelleh est en train de passer à celui d’obligé.

Pour les acteurs économiques présents sur place, l’insécurité juridique est grandissante. Les décisions concernant l’attribution de marchés sont de plus en plus favorables aux entreprises chinoises. Parfois, le droit est purement et simplement nié. Ainsi, DP World, l’un des leaders mondiaux de l’exploitation portuaire, s’est fait évincer de la gestion du port de Djibouti au profit de concurrents chinois après que Pékin eut financé la construction de nouveaux terminaux.

L’éviction arbitraire des uns au profit des autres risque à terme de détériorer le climat des affaires qui doit permettre notamment la protection des investisseurs, l’obtention de prêts, et l’exécution des contrats. Djibouti était encore en 2018 à la 154ème place dans le classement Doing Business de la Banque mondiale. L’ONG Freedom House considérait Djibouti en 2020 comme un pays « non libre » : le pays obtient la note de 5 sur 20 en droits politiques et 19 sur 60 en respect des libertés publiques et de l’Etat de droit. Le système judiciaire est jugé dépendant du pouvoir exécutif.

Pour Ismaël Omar Guelleh, ce cinquième mandat qui démarre pourrait donc bien être celui de trop : la manifestation du caractère définitivement autoritaire de son pouvoir, ainsi que le basculement dans la dépendance absolue au géant asiatique.

 

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