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dans les entrailles des gigantesques souffleries de Modane

Sous les dômes et tubes gris qui transpercent la vallée de la Maurienne à Modane (Savoie) se cache un trésor peu connu de la recherche industrielle française: de grandes « souffleries » où sont testés des missiles nucléaires et les nouveaux fuselages d’avions moins gourmands en carburant.

Sauvé d’un affaissement il y a quelques années, ce centre d’essais de l’Office de la recherche aérospatiale (Onera) reproduit des vents continus ou en rafale à des vitesses dépassant le mur du son. Il tourne aujourd’hui à plein régime avec des réservations quasi au complet pour les quatre à cinq prochaines années.

Ici, des maquettes de Rafale, maquettes de nouveaux réacteurs ou reproductions d’ailes bourrées de capteurs peuvent être exposées pendant des heures à des courants d’air allant jusqu’à Mach 12, soit près de 15.000 km/h. Objectif: mesurer la résistance à la pression ou l’acoustique.

Les enjeux de la décarbonation de l’aviation civile tout comme la course aux nouveaux projets militaires alimentés par la guerre en Ukraine ont rempli le carnet de commandes des souffleries de Modane et, plus généralement, celui de l’Onera qui, en amont des tests, mène toutes sortes de projets de recherche.

L’Office a ainsi battu en 2022 son propre record de commandes, qui s’est élevé à 162,9 millions d’euros (+7% par rapport à 2021) dont 59 pour la seule Direction générale de l’armement (DGA) et 15,6 pour la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC). Environ un tiers des clients viennent de l’étranger, majoritairement d’Europe mais aussi de Corée du Sud par exemple.

– « Encore plus indispensable » –

Lors d’une rare visite de presse organisée au cœur de la soufflerie S1, les voix résonnent dans un boyau géant d’un diamètre de 24 mètres et long de 400 mètres. Difficile d’imaginer qu’ici rugissent des vents allant jusqu’à Mach 1, soit plus de 1.000 km/h, vitesse à laquelle aucun être humain ne survivrait.

S1 est l’une des quatre souffleries du site de Modane. Cet ensemble est considéré comme unique au monde en raison de la vaste gamme de tests d’aérodynamie proposée, mais aussi parce qu’il est exclusivement alimenté par l’énergie hydraulique, grâce à deux barrages.

« Il n’y a pas UN missile de la force de dissuasion nucléaire qui ne soit pas passé ici », se félicite Bruno Sainjon, directeur général de l’Onera. « En ces périodes où la souveraineté tant civile que militaire a repris de l’importance, (le site) est devenu encore plus indispensable », selon lui.

« Là on travaille à la génération suivante (de missiles nucléaires, NDLR) avec un superstatoréacteur beaucoup plus compliqué, mais qui va nous permettre d’aller beaucoup beaucoup beaucoup plus vite », ajoute-t-il.

La nouvelle loi de programmation militaire « nous oblige à remonter en activité dans beaucoup de domaines comme l’aéronautique de combat », explique pour sa part le délégué général à l’Armement, Emmanuel Chiva, dans une des « veines » (couloirs, NDLR) de test. « Les nouveaux standards de Rafale qui devront emporter des armements différents doivent par exemple être traités en soufflerie », signale-t-il à titre d’exemple.

Les différentes composantes du Scaf, le Système de combat aérien du futur lancé par la France, l’Allemagne et l’Espagne autour d’un avion commun, seront également testées ici.

– Réel versus numérique –

Pour la DGAC, les tests se concentrent sur « la façon de profiler les avions, de les construire, de limiter l’effet sonore que cela a sur les riverains », détaille Damien Cazé, directeur général de l’Aviation civile.

A l’ère des supercalculateurs et des simulations numériques, le centre de Modane, ancien butin de guerre récupéré dans les Alpes autrichiennes par les Alliés après 1945 et remonté dans la vallée de la Maurienne, retrouve paradoxalement un second souffle.

« Tout le monde commence à faire des souffleries hypersoniques (à partir de Mach 5, NDLR). A un moment, il y a des effets qu’on ne peut pas simuler avec la puissance de calcul et les techniques que l’on a aujourd’hui », abonde M. Chiva.

« Le numérique ne fait pas tout, notamment sur des formes nouvelles d’avions (…) vous devez tout revoir du côté expérimental », estime M. Sainjon.

Selon lui, même les Etats-Unis qui ont un temps souhaité abandonner ce genre d’installations y sont revenus avec, au début des années 2000, un réinvestissement pour la seule Nasa estimé à 600 à 700 millions de dollars.

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