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Dans les environnements pollués, les parasites peuvent-ils devenir des alliés ?

Invisible, la pollution chimique est pourtant tentaculaire. On estime à 350 000 le nombre de produits ou mélanges de produits chimiques homologués pour utilisation et production commerciale, parmi lesquels on trouve les pesticides, les plastifiants, les retardateurs de flamme bromés ou les résidus de médicaments.

En raison de l’intensification des activités humaines, leurs volumes de production mondiale ont été multipliés par 50 depuis 1950 et devraient encore tripler d’ici à 2050 par rapport à 2010.

Ces polluants peuvent contribuer à l’érosion de la biodiversité en altérant le fonctionnement des organismes et induire des effets délétères sur leur santé et celle de leurs descendants.

Face à ce constat alarmant, une nouvelle plate-forme entre science et politique en charge des produits chimiques et des déchets devrait prochainement voir le jour, à l’instar du GIEC et de l’IPBES.

Malgré l’urgence, l’évaluation des risques environnementaux est désormais considérée comme obsolète. Les tests écotoxicologiques se déroulent en effet dans des conditions bien éloignées de ce qui se passe réellement dans l’environnement : en particulier, la sélection naturelle et les interactions entre les organismes sont rarement prises en compte pour mesurer les effets des polluants sur le vivant.

Course évolutive entre hôte et parasites

En milieu naturel, les organismes établissent entre eux des interactions fondées sur des bénéfices partagés (mutualisme), ou au contraire désavantageuses pour l’un d’eux au profit de l’autre (parasitisme).

Hôtes et parasites sont engagés dans une course évolutive, mise en image par la figure de la Reine rouge. Dans le livre De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll, la reine explique « qu’il faut courir aussi vite que possible pour rester à la même place » : le même principe s’applique aux espèces qui doivent constamment évoluer pour faire face aux changements de leur environnement.

Illustration de John Tenniel de la course de la Reine rouge dans De l’autre côté du miroir de Lewis Carroll.
John Tenniel

Ainsi, les stratégies d’évitement et de résistance aux parasites sont sélectionnées chez l’hôte, mais sont bien vite déjouées par les parasites qui s’adaptent rapidement. À ces adaptations incessantes s’ajoute la contamination chronique de l’environnement par plusieurs substances chimiques.

Parasitisme et pollution : une double menace ?

Dans ce contexte, les substances chimiques pourraient apporter une source de stress supplémentaire susceptible d’affaiblir les organismes et d’exacerber les dommages induits par le parasitisme.

Certains organismes sont particulièrement intéressants pour comprendre de tels effets : prenons l’exemple du chevesne, un poisson commun d’eau douce, et de ses parasites intestinaux, les acanthocéphales.

poisson dans l’eau
Le chevesne.
wikimedia commons, CC BY-NC-SA

En cas de pollution, on s’attendrait à une détérioration de l’état de santé chez les organismes parasités en réponse à la double menace qui pèse sur eux. Or ce que nous observons est plus surprenant et contre-intuitif.

Ces parasites intestinaux présentent en effet la remarquable aptitude d’accumuler les polluants ingérés par leur hôte, par exemple des plastifiants ou des HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), produits principalement par combustion des matières organiques.

Les parasites, alliés de la dépollution ?

Cette séquestration de polluants par les parasites est telle que les poissons parasités peuvent avoir des niveaux de contamination plus faibles que ceux qui ne sont pas infestés par les acanthocéphales. Encore plus surprenant, les poissons parasités souffrent moins des effets toxiques, tels que le stress oxydant, puisque les polluants sont piégés dans les acanthocéphales.

petite crevette
L’artémie, petite crevette dont certains parasites boostent la résistance à l’arsenic.
Wikimedia, CC BY-NC-SA

D’autres parasites boostent même la résistance à l’arsenic de petites crevettes, les artémies. Cela répond à la logique implacable de l’évolution : les parasites ont tout intérêt à ce que leur hôte survive à un épisode de contamination afin de pouvoir boucler leur cycle de vie.

Par conséquent, les parasites pourraient donc être utiles pour leur hôte dans certaines conditions, si les bénéfices de la séquestration de polluants contrebalancent les coûts.

D’ennemis à alliés ?

La pollution peut-elle faire basculer une relation de parasitisme vers une relation de mutualisme ? La réponse est complexe.

La charge parasitaire varie énormément d’un poisson à l’autre, avec dans certains cas extrêmes, une infestation par une centaine d’acanthocéphales. On peut assez logiquement supposer que les effets délétères prennent alors le dessus. Les potentiels bénéfices n’apparaissent que si les coûts du fardeau parasitaire restent limités, c’est-à-dire si les bénéfices de la séquestration de polluants contrebalancent les coûts associés au parasitisme.

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On peut aussi légitimement s’interroger sur les effets des polluants sur les parasites, étant donnée leur capacité d’accumulation. Les eaux de rivières sont contaminées par des pesticides et des résidus de médicaments qui peuvent être plus néfastes pour les invertébrés, comme les parasites, que pour les poissons.

Les parasites ont par ailleurs souvent un cycle de vie complexe, impliquant des hôtes intermédiaires, qui peuvent également souffrir de l’exposition aux polluants et rompre le cycle de vie des parasites. Les capacités de résilience des organismes parasités ou non après un épisode de contamination restent elles aussi inconnues.

Rétroactions écologiques

Toutes ces questions animent actuellement notre équipe de recherche : nous essayons d’y répondre en développant des études expérimentales sur le modèle chevesnes-acanthocéphales, les exposant à des doses de pesticides et de résidus de médicaments similaires à celles retrouvées dans l’environnement.

Afin de nous placer dans un cadre réaliste et sur des temps plus longs, nous effectuons des suivis de plusieurs mois dans des bassins extérieurs qui reconstituent des écosystèmes aquatiques semi-naturels.

Cet exemple illustre en tout cas la richesse des rétroactions écologiques, qui nécessite de connaître finement la dynamique des polluants dans les écosystèmes et leurs effets parfois inattendus. L’évaluation des risques écotoxicologiques représente donc un défi dans des environnements soumis à de multiples pressions.

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