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pourquoi cette proposition du RN est inapplicable

Baisse de la TVA sur l’ensemble des produits énergétiques, double frontière ou encore préférence nationale à l’égard de l’attribution de logements sociaux, alors que le Rassemblement national pourrait gouverner la France après le second tour des élections législatives, de nombreuses propositions du parti d’extrême droite semblent difficilement applicables.

Durant la précédente législature, de 2022 jusqu’à la dissolution de l’Assemblée nationale, le Rassemblement national a déposé pas moins de neuf propositions de loi concernant le logement. Des mesures notamment destinées aux propriétaires de logements par exemple la proposition de loi visant à mieux indemniser les propriétaires de maisons fissurées par des épisodes de sécheresse au titre de catastrophes naturelles ou celle visant à établir une réduction de la taxe foncière au bénéfice des propriétaires procédant au débroussaillement dans les zones à risques d’incendies de forêt.

Mais dans la liste de ces différentes propositions de loi, quatre d’entre elles concernent spécifiquement le logement social : la proposition de loi relative à l’attribution et à l’occupation de logements sociaux par des personnes propriétaires d’un logement, celle visant à mettre en adéquation l’article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains avec les enjeux actuels, celle portant sur la suspension de l’obligation de construction de logements sociaux dans les territoires durablement fragilisés par les restrictions en eau potable, et enfin la proposition de loi visant à instaurer la priorité nationale dans l’attribution des logements sociaux.

Cette dernière vise ainsi à modifier le Code de la construction et de l’habitation afin d’attribuer prioritairement aux Français des logements sociaux par le biais du critère de priorité nationale ce qui nous conduit à nous poser deux questions : en l’état actuel du droit, peut-on restreindre l’attribution des logements sociaux aux personnes de nationalité étrangère ? Une loi relative à la préférence nationale en matière d’attribution de logements sociaux pourrait-elle entrer en vigueur ?




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Des précédents déjà censurés

Dans le droit actuel, les bénéficiaires de logements sociaux sont soit des personnes de nationalité française, soit des personnes qui sont admises à séjourner régulièrement sur le territoire, sous réserve que les ressources de l’ensemble des personnes du foyer n’excèdent pas des plafonds fixés par arrêtés.

La liste limitative des titres de séjour est fixée par l’arrêté du 20 avril 2022 qui est venu modifier la liste des titres de séjour nécessaires pour l’accès au logement social et au régime du droit au logement opposable (DALO). Cet arrêté a été pris afin de faciliter l’accueil des personnes déplacées d’Ukraine qui bénéficient d’une protection temporaire et prendre en compte les modifications apportées au code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

L’intervention des pouvoirs publics dans le domaine du logement social est, selon une jurisprudence constante, qualifiée d’activité de service public et en présence d’un service public, le principe d’égalité des usagers s’oppose, a priori, à la mise en place de critères limitatifs d’accès dont notamment les critères relatifs à la nationalité.

Le 6 février 1984, un juge administratif a annulé la décision du conseil municipal de Montréal-la-Cluse (01) qui avait restreint l’attribution des logements communaux aux personnes de nationalité étrangère. Le préfet avait effectué un recours pour violation du principe général de droit, dont s’inspire l’article 225-1 du code pénal de non-discrimination « en raison de l’appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée ».

Par ailleurs, en 1988, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’un État membre manquait à ses obligations européennes et violait le Traité de Rome lorsqu’il fait le choix de réserver à ses seuls ressortissants, par diverses dispositions de sa législation, l’accès à la propriété et à la location de logements construits ou restaurés à l’aide de fonds publics.

En l’état actuel du droit, la « préférence nationale » ne peut donc pas s’appliquer à l’attribution de logements sociaux.

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La primauté du droit de l’Union européenne

En cherchant à modifier l’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation afin qu’il puisse être rédigé de la sorte : « L’attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées en privilégiant les foyers composés d’au moins une personne de nationalité française » la proposition de loi du Rassemblement national est donc contraire au Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Par conséquent étant donné que l’article 55 de la Constitution française dispose clairement que les traités sont supérieurs aux lois françaises, les lois votées par le Parlement français doivent de soumettre « aux traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ».

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La primauté du droit de l’Union européenne sur les lois votées par le Parlement national a d’ailleurs été révélée par la Cour de justice en 1964 mais aussi par la suite par la Cour de cassation en 1975 et le Conseil d’État en 1989.

En d’autres termes, si cette proposition de loi était votée en l’état, le juge national serait dans l’obligation de l’écarter pour faire prévaloir le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne après avoir opéré un contrôle appelé de conventionnalité.

En outre, en cas de vote de cette disposition législative, le Conseil constitutionnel n’hésiterait pas à censurer ce texte en estimant qu’il est contraire au principe d’égalité.

On l’aura compris cette proposition de loi ne pourrait entrer en vigueur en permettant d’instaurer une priorité nationale dans l’attribution des logements sociaux, elle ne contient qu’un seul et unique objectif leurrer une partie du corps électoral. Seule une modification de la Constitution ou la sortie des traités pourraient permettre de faire voter une telle loi.

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