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Quelles circonscriptions peuvent faire basculer les élections ?

À l’instar des États-Unis où l’élection présidentielle dépend souvent de quelques états clés appelés « swing states » qui basculent d’un camp à l’autre à quelques milliers de voix près, la France est entrée dans un régime d’instabilité politique liée à l’absence de bloc politique dominant.

La formation d’une majorité, relative ou absolue, à l’Assemblée nationale se jouera donc à quelques députés près.

Mais où se situent ces circonscriptions indécises qui vont décider de l’avenir du pays ? Combien sont-elles ? Quelles sont leurs caractéristiques démographiques et sociales ?

Une vision stratégique de la carte électorale de France

La méthode employée par la plupart des journalistes et commentateurs politiques pour recenser les circonscriptions indécises consiste à recenser les « triangulaires » où vont s’affronter trois candidats issus de partis différents et ayant franchi la barre fatidique de 12,5 % des inscrits autorisant le maintien au second tour.

Cette approche permet effectivement de repérer une partie des circonscriptions indécises à court terme et analyse les tactiques mises en œuvre pour s’allier ou faire barrage. Mais elle néglige de nombreuses informations telles que le poids des abstentionnistes, des votes blancs et nuls, des petites listes ou des dissidents à l’intérieur des principaux partis.

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Nous proposons ici une approche stratégique de plus long terme qui ne s’intéresse pas uniquement aux échéances immédiates du second tour des élections législatives mais cherche plutôt à caractériser les rapports de force issus du premier tour afin de dresser une typologie prenant en compte l’ensemble des citoyens inscrits sur les listes électorales, quel qu’ait été leur choix, y compris ceux qui ont « choisi de ne pas choisir ».

La méthode utilisée pour établir une typologie des 535 circonscriptions de France métropolitaine (hors Corse, DROM, et français de l’étranger) est basée sur la création d’un tableau comportant sept colonnes selon les choix suivants : abstention, vote blanc, vote nul, vote pour un candidat d’extrême droite (RN, Reconquête, Debout la France…), vote pour un candidat de droite classique (LR, UDI…), vote pour un candidat centriste (Renaissance, Horizons, MoDem…), vote pour un candidat de gauche (Nouveau Front populaire, divers gauche…).

On applique ensuite à ce tableau une méthode statistique de classification automatique (voir détails ici) qui aboutit à la mise en évidence très nette de cinq types de profils électoraux.

Tableau 1 : Profil moyen des classes en % des inscrits.
Fourni par l’auteur

Trois types de cartes sont possibles pour visualiser la distribution des types électoraux issus de la classification : une carte classique, une carte en anamorphose qui déforme la superficie en fonction du nombre d’électeurs et enfin une carte interactive.

Les deux premières sont destinées à la publication des résultats et offrent une vue d’ensemble du territoire en insistant soit sur la répartition géographique, soit sur le poids politique de chacun des types.

Carte 1 : représentation géométrique des circonscriptions.
Author provided (no reuse)
Carte 2 : représentation démographique des circonscriptions.
Author provided (no reuse)

La dernière visualisation sous forme de carte interactive permet de zoomer librement sur une région ou un département puis de cliquer sur une circonscription pour afficher le profil électoral détaillé.

Carte 3 : Exemple d’affichage interactif des résultats dans la 1ere circonscription de la Somme.
Fourni par l’auteur

Cinq types de circonscriptions aux enjeux différents

  • Le Type A (en rouge) concerne 79 circonscriptions et correspond aux bastions de gauche à forte abstention, généralement situés dans les quartiers de classes moyennes et de classes populaires des métropoles. Leur importance visuelle paraît très réduite sur une carte classique (carte 1) mais apparaît beaucoup plus considérable dès lors qu’on procède à une anamorphose de la carte qui rend la superficie proportionnelle au nombre d’inscrits.

  • Le type B (en orange) concerne 74 circonscriptions et correspond aux bastions du centre en rivalité avec la gauche mais sans risque majeur de basculement au profit de l’extrême droite. Il s’agit à nouveau des métropoles – mais dans les quartiers plus riches – ainsi que des circonscriptions non métropolitaines mais situées dans des zones de résistance à l’extrême droite comme la Bretagne et autres zones de tradition démocrate-chrétienne. C’est le type qui présente le plus faible taux d’abstention.

  • Le type D (en bleu clair) concerne 93 circonscriptions et correspond aux anciens bastions de la droite classique, de plus en plus menacée par la poussée de l’extrême droite et souvent tentée de s’allier avec elle ou, en tous les cas d’adopter la posture du ni-ni. Ce ne sont sans doute pas les circonscriptions qui permettront d’empêcher l’arrivée du RN au pouvoir.

  • Le type E (en bleu foncé) concerne 133 circonscriptions et correspond aux bastions d’extrême droite à forte abstention. Il s’agit de circonscriptions qui soit ont élu un membre du RN au premier tour, soit ont une probabilité très forte de le faire au second. Leur importance visuelle paraît à première vue très forte sur une carte classique (carte 1) mais est en fait bien moindre si l’on raisonne en nombre d’inscrits (carte 2).

  • Le type C (en jaune clair) correspond finalement à la zone d’incertitude maximale où centre, gauche et extrême droite affichent des scores le plus souvent comparables et où une alliance entre centre et gauche serait le plus souvent en mesurer de battre l’extrême droite. C’est bien dans ces circonscriptions que devrait se jouer le sort du second tour des législatives et au-delà de futures élections présidentielles. Il concerne 156 circonscriptions dans lesquelles le jeu démocratique demeure très ouvert et dépendra dans le présent comme dans l’avenir des alliances et barrages que noueront les partis et blocs politiques.

Au-delà du constat, agir dans l’ensemble des territoires

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) met à la disposition des chercheurs mais aussi de l’ensemble des citoyens un tableau de données décrivant les caractéristiques économiques et sociales des circonscriptions législatives à l’aide d’une centaine d’indicateurs de grande qualités issus aussi bien du recensement (part des ouvriers, des familles monoparentales, des propriétaires…) que des données fiscales (revenu médian, taux de pauvreté…) ou des données d’équipement (accessibilité aux écoles, lycées, pharmacies…).

On peut ainsi mettre en évidence non pas les causes directes des votes (il faudrait pour cela disposer de données d’enquête individuelle) mais les contextes territoriaux dans lesquels prennent place les cinq types électoraux que nous avons mis en évidence.

Variation de la part des ménages pauvres selon le type électoral.
Insee, Author provided (no reuse)
Variation du taux de dépendance automobile selon le type électoral.
Insee, Author provided (no reuse)

À titre d’exemple, la dépendance automobile et l’éloignement des services publics de base est très clairement une caractéristique commune des types C, D et E qui les oppose aux types métropolitains A et B. Mais le pourcentage de ménages pauvres sépare quant à lui fortement les deux types métropolitains et met en évidence des différences nettes entre les circonscriptions indécises, orientées à droite ou à l’extrême droite.

Il n’y a donc pas d’opposition binaire entre les villes et les campagnes comme nous l’avons montré dans un précédent article mais plutôt des configurations variables d’atouts et de handicaps qui appellent des politiques différenciées. Un décideur politique éclairé ne se contentera donc pas de défendre ses bastions ou de tenter de s’emparer des circonscriptions incertaines : il proposera des mesures adaptées aux demandes et besoin de chacun des types électoraux qui sont en réalités des révélateurs des attentes et des préoccupations différentes de la société française.

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