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Devant la Cour de justice de la République, l’ex-ministre Urvoas offensif et sûr de lui

« J’ai dédié ma vie au droit »: l’ancien garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas, le verbe offensif et l’allure tranquille, a commencé mardi à comparaître devant la Cour de justice de la République (CJR) pour avoir transmis au député Thierry Solère des informations sur une enquête qui le visait.

L’ancien ministre, 60 ans, est entré d’un pas assuré dans la salle. Très à l’aise face à une cour composée de trois magistrats mais aussi de douze parlementaires, l’ex-président de la commission des lois de l’Assemblée nationale a décliné son parcours, de l’université au Parlement puis au gouvernement: une vie « dédiée au droit », de l’enseignement à la fabrique de la loi.

Il défend son bilan de ministre (janvier 2016-mai 2017): « J’ai passé 16 mois à défendre la loi, appuyer la justice et à être le protecteur des magistrats », assène-t-il, disant son étonnement de se retrouver devant la CJR, une juridiction que le gouvernement auquel il appartenait avait voulu supprimer.

« Je respecte la loi. Cette cour est constitutionnelle, elle fera du droit », s’est rassuré l’ancien élu socialiste qui a reconnu « la matérialité des faits » mais toujours contesté que les documents transmis soient couverts « par un quelconque secret ».

D’emblée, il tient à recadrer le débat: « Je ne connais pas Thierry Solère, c’est un adversaire politique (…) je n’avais aucun intérêt personnel » à lui transmettre des informations, dit-il. Il précise aussi qu’il n’est « pas franc-maçon », sans quoi il le dirait avec fierté, et que ce n’est donc pas non plus au nom d’une prétendue « fraternité » qu’il a communiqué avec le député de droite, sans en dire plus sur ses motivations.

Après Christine Lagarde ou Charles Pasqua, Jean-Jacques Urvoas est le huitième ministre à comparaître devant cette cour critiquée pour la clémence de ses décisions. Il encourt une peine maximale d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende.

Il reviendra à la CJR, seule habilitée à juger des actes commis par des membres du gouvernement dans l’exercice de leurs fonctions, de trancher l’épineuse question du périmètre du secret et des obligations du ministre en la matière.

– « Importantes répercussions » –

Ce procès, a prévenu le président de la CJR Jean-Baptiste Parlos, « aura d’importantes répercussions », tant sur « le rôle du garde des Sceaux » que « sur les rapports entre le parquet et la chancellerie », auquel il reste aujourd’hui soumis hiérarchiquement – une situation suscitant un soupçon récurrent d’instrumentalisation politique du ministère public.

L’affaire Urvoas s’était nouée dans les derniers jours de la présidence de François Hollande. Le 4 mai 2017, le ministre s’apprête à quitter la place Vendôme quand il adresse un document à Thierry Solère, alors élu de l’opposition LR, via la messagerie cryptée Telegram.

Il s’agit d’une « fiche d’action publique » établie par la Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), département sensible qui fait l’interface entre la chancellerie et les procureurs. Cette fiche rend compte de l’état d’une enquête du parquet de Nanterre pour fraude fiscale et trafic d’influence qui implique M. Solère depuis septembre 2016.

Le lendemain, le ministre envoie encore un courriel d’actualisation de cette fiche au député des Hauts-de-Seine.

Ces deux communications seront découvertes six mois plus tard lors d’une perquisition au domicile de Thierry Solère. Le 20 juin 2018, Jean-Jacques Urvoas est mis en examen pour « violation du secret professionnel ».

Son avocat Me Emmanuel Marsigny soutient que le garde des Sceaux ne concourant pas à l’enquête, il n’était « pas soumis à un quelconque secret quant aux informations élaborées par les services du ministère, remontées par les parquets généraux ».

Le procureur général près la Cour de cassation François Molins affirme au contraire que « le garde des Sceaux est détenteur de ce secret du fait de ses fonctions et en tant qu’ultime supérieur hiérarchique du parquet ».

A la barre, la procureure de Nanterre Catherine Denis est venue expliquer la mécanique de la remontée d’informations de son parquet vers le parquet général, puis à la DACG qui établit des « fiches », elles-mêmes transmises au garde des Sceaux. « La loyauté », explique-t-elle, impose de « n’omettre aucune information importante ». Des informations qui sont pour elle « couvertes par le secret ».

Elle juge aussi que si les informations transmises à Thierry Solère n’ont pas entravé l’enquête, leur divulgation a conduit à « accélérer la procédure ».

Les débats sont prévus jusqu’à vendredi et le délibéré pourrait être rendu dès lundi prochain.

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