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« l’impression qu’on commence à s’habituer »

Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la déferlante de malades du coronavirus, un anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l’AFP, sous couvert d’anonymat, le résumé de sa journée en pleine crise sanitaire.

– Jeudi 2 avril –

Les journées sont toujours aussi remplies. Il y a toujours beaucoup de malades qui arrivent en réanimation. Mais on a l’impression que les choses commencent à se calmer et qu’on atteint un « rythme de croisière ». Ça serait une bonne chose. Ça ne veut pas dire qu’on sort de la crise, mais peut être que le nombre de patients qui arrivent en réanimation arrête d’augmenter de jour en jour.

On a aussi l’impression qu’on commence à s’habituer à tout ça. Je ne sais pas si c’est une bonne chose. Mais le temps où nous avions notre secteur de réanimation habituel et nos équipes paramédicales habituelles semble extrêmement lointain. Alors qu’en fait, cela fait moins d’un mois que tout a été chamboulé. Je ne sais pas combien de temps il faudra pour déconstruire tout ça. Démonter les secteurs de réanimation créés de toute pièce, retrouver une activité « normale » à l’hôpital, reconstituer les équipes médicales et paramédicales. Se reposer… Cela fait du bien de l’envisager, et un peu peur également. Les gens donnent tout en ce moment. Il est probable qu’après la crise, beaucoup partiront aussi, faute de réponse suffisante de la part des pouvoirs publics sur les difficultés de l’hôpital public, déjà à bout de souffle ces dernières années.

Ces jours-ci, nous continuons à transférer des patients en province. Là encore, les familles sont incroyablement compréhensives… J’espère vraiment que cela se passera bien. Ces choses là sont très difficiles à expliquer. Pourquoi tel patient ? Où va-t-il ? Comment sera-t-il transféré ? Et s’il ne va pas bien là bas ? Etc. On essaye de rassurer comme on peut. Mais il y a bien évidemment une part d’incertitude dans nos réponses.

Les choses sont de plus en plus difficiles à vivre. On se sent parfois déshumanisés. Ce n’est vraiment pas normal pour nous de travailler à huit clos, avec des malades tous atteints de la même pathologie, à se poser quasiment mécaniquement les mêmes questions dix, vingt fois par jour, instaurer les mêmes traitements, donner les mêmes nouvelles au téléphone aux familles…

Un psychologue expliquait, à juste titre, que beaucoup de soignants sont dans un état d’hyper-activité continue, jour et nuit, depuis plusieurs semaines. Je pense que c’est vrai. Ça permet de tenir, mais ça fatigue et il faut espérer que ça parte aussi vite que c’est venu dans les mois à venir.

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