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quand des détenus demandent leur remise en liberté

« Je ne veux pas mourir en prison, je vous en prie »: inquiets d’être contaminés par le coronavirus dans la maison d’arrêt où ils sont incarcérés dans l’attente de leur procès, des prévenus demandent chaque jour leur remise en liberté devant la cour d’appel de Paris.

Dans le couloir de la chambre de l’instruction de la cour d’appel, une quinzaine d’avocats attendent l’examen de leur affaire, tentant de respecter les mesures barrières. « Il est malade ton client? Le tien aussi? », s’enquiert l’un d’eux.

Face à l’épidémie de Covid-19, jusqu’ici plutôt contenue dans les prisons françaises avec un décès parmi les détenus et plus de 70 testés positifs, les demandes de mises en liberté affluent de toutes les maisons d’arrêt surpeuplées de région francilienne.

Si des mesures ont été prises pour limiter les entrées en détention et faciliter les sorties des condamnés en fin de peine, permettant de faire chuter de 10.000 le nombre de détenus en un mois, la garde des Sceaux Nicole Belloubet s’est opposée à une généralisation des remises en liberté des prévenus, qui représentent le tiers des prisonniers en France.

A Paris, environ 50 nouveaux dossiers relatifs à la détention sont enregistrés chaque jour par la cour d’appel. Leur nombre a plus que triplé par rapport à 2019. Pour absorber cette masse, le nombre d’audiences hebdomadaires de la chambre de l’instruction passera de cinq à sept dès lundi.

Avec vingt dossiers à examiner ce jour, le président, masque sur le visage et gel hydroalcoolique à portée de main près du code pénal, conjure: « Soyez bref ».

« Si vous deviez sortir, vous iriez où, pour faire quoi? », demande le magistrat à un détenu en visioconférence depuis le parloir de la maison d’arrêt de Villepinte (Seine-Saint-Denis), où il est écroué dans une affaire de stupéfiants.

– « On ne badine pas avec la santé » –

Sans garantie d’un hébergement, pas de « confinement » à domicile pour ces prévenus. Leurs avocats brandissent attestations de domicile et promesses d’embauche, mettent en avant les enquêtes à l’arrêt, les aveux des uns ou les dénégations des autres. « Même hors situation sanitaire, nous aurions demandé une mise en liberté », affirme une avocate.

Le ministère public souligne ici dans un dossier de viol le risque de pression sur la victime et le témoin, là dans une grosse affaire de drogue celui de destruction de preuves: entre « impératif sanitaire » et « impératif d’ordre public », l’avocate générale demande à la cour d’ordonner pour chacun un maintien en détention.

« La crise sanitaire ne doit pas mettre à néant toutes les procédures judiciaires », lance-t-elle.

La crainte d’une contamination est vive chez les détenus. Pour certains, elle est réalité. Ainsi, cet ex-ambulancier asthmatique, mis en cause dans un trafic de cannabis: atteint du Covid-19 fin mars et placé en quatorzaine, il semble désormais « en voie de guérison ».

« Ce virus c’est une grande fatigue, c’est inexplicable. Vous devez me faire sortir. Le contrôle judiciaire, je le respecterai à 100%, même à 200% », assure-t-il, depuis la maison d’arrêt.

Cet autre détenu, au long casier judiciaire, qui a été extrait de sa cellule pour comparaître physiquement devant ses juges, n’est pas porteur du coronavirus. Mais avec son asthme et sa déficience pulmonaire, il fait partie des personnes à risque.

« Si demain il a le Covid-19, il décèdera », tonne son avocat Régis Meliodon, « venu mendier », plusieurs certificats médicaux à l’appui, la sortie de prison de son client, ordonnée par un juge d’instruction et contestée par le parquet.

« Sa vie est en jeu », plaide l’avocat.

« Si je meurs en prison demain, ils me mettront dans un sac et ma mère ne pourra même pas venir me voir », lance le détenu depuis le box vitré de la salle d’audience, en dégageant le masque de son visage pour bien se faire entendre.

La chambre de l’instruction a fait droit jeudi soir à sa demande et il a été remis en liberté, selon Me Meliodon.

Sur 20 dossiers examinés jeudi, dont l’un a été déclaré irrecevable, la cour d’appel a confirmé quatre remises en liberté et ordonné quinze maintiens en détention, selon une source judiciaire.

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