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« Confinés mais pas résignés », des Français manifestent à leurs fenêtres

« Confinés mais pas résignés », ils ne se contentent pas d’applaudir à 20 heures. A coups de vieux draps et de peinture, des Français « manifestent » à leurs fenêtres, dessinant le portrait d’un pays où la colère monte.

« Merci aux soignants, honte aux dirigeants »: cette banderole accrochée à Montreuil (Seine-Saint-Denis) résume bien la tonalité des milliers de messages spontanés affichés sur les façades à travers la France, que les syndicats ont appelé à multiplier pour le 1er mai.

Une contestation face à laquelle les autorités font parfois du zèle. Jeudi, à Toulouse, une femme a été brièvement placée en garde à vue pour avoir interrogé sur un drap tendu devant sa maison: « Macronavirus, à quand la fin? » A Paris et Marseille, d’autres auteurs de pancartes ont été sommés de les décrocher.

Délavée par des semaines d’exposition au soleil, la bannière de Florence Bedague au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) est, elle, encore bien accrochée. « Des milliards pour la santé et les populations qui en ont besoin », y a écrit cette infirmière réaffectée en réanimation à l’hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière au début de l’épidémie.

« J’ai tout de suite compris qu’on allait avoir du mal à faire face. Et que c’est maintenant que la population allait voir que ce ne sont pas des millions, mais des milliards dont a besoin l’hôpital. Le bon côté c’est que les gens commencent à ouvrir les yeux et que les dirigeants commencent à faire l’unanimité contre eux », dit-elle.

La soignante, 58 ans, estime que la situation est devenue « catastrophique il y a 4-5 ans » et ne se remet pas de devoir se protéger du Covid-19 avec des sacs-poubelle, désormais fournis par sa direction.

A Paris, Thomas Ballion, 47 ans, enseignant, réclame à sa fenêtre de « L’argent pour l’hôpital, pas pour le capital ». « On se manifeste » et « ça permet aux gens qui passent dans la rue de se sentir éventuellement raffermis dans leur propre colère », ajoute ce militant Lutte ouvrière.

A 20 heures, il applaudit mais donne aussi de la voix pour remercier « les aides-soignantes, les caissières, les éboueurs, les travailleurs » ou inviter à « ne pas aller bosser le 11 mai si les conditions ne sont pas assurées ». Des slogans accueillis avec enthousiasme par certains, se réjouit-t-il.

– « On vous démasque » –

Sur les réseaux sociaux, le collectif « Confiné.e.s mais pas résigné.e.s », créé par des membres de la « Fanfare invisible », un groupe qui accompagne diverses manifestations, recense des images de ces banderoles.

« On en reçoit désormais plusieurs par jour, de partout en France et même de Tahiti », témoigne Johanna, de cette équipe réunissant « anars, cocos et socialos » en soutien au Collectif inter-hôpitaux, à l’origine du vaste mouvement de grève des soignants.

« Du fric pour l’hôpital public », « Du dépistage, pas du pistage », « On veut des masques, on vous démasque, on veut des tests, on vous déteste », « Après le Covid, la Commune »: sur les messages postés aux fenêtres, « on voit de la colère face à la destruction de l’hôpital et des services publics et contre le gouvernement qui a fait et dit n’importe quoi », décrypte Johanna.

« Manifestons au balcon », qui relaie aussi cet appel sur les réseaux sociaux, est parti d’étudiants gravitant autour des jeunes socialistes, de LFI ou de l’Unef, « révoltés par les ordonnances sociales » prises au début du confinement, explique Valentin Mordago, 26 ans, cadre dans la fonction publique. Des jeunes militants qui rêvent d' »union de la gauche » et préparent « le monde d’après » avec « une économie du besoin et non du marché ».

L' »après », Marie et Arthur y pensent aussi. Dans leur colocation du 20e arrondissement parisien, les cinq occupants, des trentenaires qui travaillent dans la santé, le social, l’agronomie et la culture, ont « débattu » avant d’afficher quatre banderoles: « Le travail mérite plus qu’une médaille » et « A la sortie, on change tout », notamment.

« Il faut rétablir des équilibres qui ne sont plus d’actualité depuis longtemps », estime Marie. « C’est la première fois qu’on a un événement qui touche autant de monde et au-delà de nos frontières. C’est inédit et il faut qu’on s’en saisisse ».

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