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Pour les nageurs, difficile de rester les pieds sur terre

« C’est un peu comme si on sortait de son bocal un poisson » : les nageurs, au sec depuis une cinquantaine de jours et privés de leur environnement si singulier, où sensations et répétition des efforts sont essentiels, sont particulièrement affectés par le confinement.

Habitués à passer quatre à cinq heures par jour dans l’eau et à aligner longueurs et kilomètres – jusqu’à vingt pour les spécialistes de l’eau libre – ils en ont été brutalement extraits par le confinement débuté mi-mars.

« C’est simple : il est impossible de retrouver hors de l’eau les sensations qu’on peut avoir dans l’eau, tranche la triple championne d’Europe 2018 Charlotte Bonnet. C’est complètement à part (par rapport) aux sports terrestres. »

« On perd tous nos repères habituels quand on plonge dans la piscine : on est à l’horizontale, nos bras sont notre moyen de propulsion, on doit caler notre respiration sur nos mouvements », décrit à l’AFP la championne d’Europe 2018 du 400 m 4 nages Fantine Lesaffre. Loin des habitudes terrestres, debout « sur nos deux jambes » et respiration spontanée.

« Il n’y a pas beaucoup de sports qui s’éloignent autant de ce que l’être humain est capable de faire au quotidien, analyse auprès de l’AFP l’entraîneur niçois Fabrice Pellerin. Marcher, courir, sauter, ce sont des choses qui font appel à des programmes que l’on entretient dans nos gestes quotidiens. Mais la natation fait partie des sports pas vraiment naturels pour l’Homme. »

« Il y a tout à déconstruire et à reconstruire quand on nage : on doit se réapproprier un environnement, se débarrasser de la pesanteur, les modes de perception changent, on passe de la posture verticale à horizontale, d’expirations naturelles à forcées. Ca bouleverse beaucoup de choses », développe-t-il.

– « On perd très rapidement » –

« Et cette coordination particulière, pour vraiment toucher à quelque chose d’efficace, il faut y passer des heures », complète le technicien.

Impossible depuis près de deux mois désormais. Pour des nageurs, une éternité. « Ca fait pratiquement quinze ans que je n’ai pas vécu une période aussi longue » sans nager, résume à l’AFP Bonnet, 25 ans depuis mi-février.

Ce n’est pas sans conséquence.

Avec le confinement, « on est soustrait aux contraintes liées à l’élément propre à notre sport, donc on est très loin de ne serait-ce que préserver ce qui demande beaucoup de répétition », résume Pellerin.

« On perd très, très rapidement ce qui met du temps à être amélioré : les chaînes musculaires très spécifiques qu’on utilise quand on nage, les mouvements articulaires parfois un peu inédits par rapport à ce qu’on fait sur terre, la respiration, les sensations de glisse, la technique… Beaucoup de choses extrêmement spécifiques qu’on ne retrouve pas, même avec un peu d’ingéniosité », hors de l’eau, énumère-t-il.

« Il va y avoir un travail de reconnexion à faire avec ce milieu-là qui va demander un peu de temps », anticipe l’entraîneur.

Combien, alors que l’après-11 mai, date annoncée du début du déconfinement, reste flou pour les nageurs ?

Bonnet oscille entre au moins « deux mois pour se sentir à l’aise » et jusqu’à « quatre mois pour retrouver un niveau compétitif ».

– Pas faits pour courir –

Pour malgré tout « garder le contact avec l’eau », si précieux, le médaillé de bronze olympique 2016 du 10 km en eau libre Marc-Antoine Olivier nage lui au moins une heure par jour dans la piscine privée de ses accueillants voisins. Mais seulement en statique, retenu par un élastique.

« Une chance », mais « le strict minimum », explique-t-il à l’AFP. « Ce sont les mêmes appuis mais pas ma technique habituelle. Et la perte de kilométrage, qui joue énormément dans notre discipline, est énorme. »

En attendant de replonger, les contraintes du confinement, qui les poussent notamment à se frotter à la course à pied pour s’entretenir physiquement tant bien que mal, ne font que rappeler aux nageurs qu’ils sont façonnés pour être dans l’eau, et non au sec.

« On est nuls, sourit Bonnet. J’ai fait quelques séances et je suis très, très vite essoufflée sur terre. C’est complètement différent » comme endurance.

« On est un sport porté. Ce n’est pas les mêmes capacités qu’on développe, donc c’est difficile de courir ou de travailler avec un autre matériel, un vélo ou un rameur », ajoute Olivier.

Surtout, leur corps se met à grincer sous l’effet de pratiques sportives plus traumatisantes que la natation.

« Courir nous met en difficulté parce qu’on utilise des muscles qu’on n’utilise pas autant d’habitude et ça provoque beaucoup de chocs à chaque pas. Ca déclenche des blessures qu’on n’a pas en général », expose Lesaffre.

Elle souffre ainsi de la hanche, d’autres nageurs de son groupe antibois des adducteurs ou encore des ischio-jambiers. Pour Bonnet, en plus des courbatures qui s’invitent, ce sont les genoux et les chevilles qui sont douloureux.

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