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Le gouvernement renonce à son service controversé « Désinfox coronavirus »

Le gouvernement a renoncé mardi à son service « Désinfox coronavirus », une rubrique de son site internet qui recensait des articles de « fact-checking » sur le Covid-19, face aux vives réactions qu’elle a suscité chez les journalistes, beaucoup lui reprochant de s’ériger en arbitre de l’information et de porter atteinte à la liberté de la presse.

Mise en ligne fin avril, cette nouvelle section du site gouvernement.fr (https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/desinfox), qui a été désactivée mardi après-midi, présentait des liens vers des articles « de médias français luttant, dans le cadre de la crise sanitaire, contre la désinformation ».

Il s’agissait d’articles issus des services de fact-cheking de franceinfo, Libération, 20 Minutes, Le Monde et l’Agence France-Presse.

L’objectif, selon le gouvernement, était de mettre en évidence la multitude de fausses infos qui circulent sur le coronavirus et de combattre ce phénomène.

« Nous assistons à une prolifération, que je qualifierai d’inouïe, de fausses informations, (…) et qui peuvent entraîner des conséquences sanitaires lourdes », avait défendu samedi la porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, face à la polémique déclenchée par cette initiative.

Et de citer les fausses informations sur « de supposés traitements qui permettraient de vaincre le coronavirus », comme « cette préconisation recommandant d’avaler de l’eau de javel pour se décontaminer de l’intérieur ».

Mais plusieurs dirigeants de médias dont les articles ont été sélectionnés avaient dénoncé ces derniers jours une confusion des rôles, comme le directeur des rédactions de Libération Laurent Joffrin. « La communication gouvernementale est une chose, le travail des rédactions en est une autre. Cette publication sans autre forme d’explication risque d’introduire une confusion dans l’esprit des lecteurs », avait-il regretté.

– « Mélange des genres » –

« Depuis des mois, Libération, la cellule enquête de Radio France, Mediapart, Le Monde, et bien d’autres, publient des enquêtes qui ne seront jamais reprises sur le site officiel du gouvernement parce que gênantes pour l’exécutif », avait renchéri Luc Bronner, directeur des rédactions du Monde, assurant que si son journal avait été consulté en amont, « nous aurions refusé ce type de démarche ».

Et, dans un texte publié dimanche, une trentaine de Sociétés des journalistes et Sociétés des rédacteurs ont dénoncé en choeur l’opération, estimant que ‘l’Etat n’est pas l’arbitre de l’information » et qu’il « donne l’impression, dans un mélange des genres délétère, de labelliser la production de certains médias ».

Enfin, le Syndicat national des journalistes (SNJ), qui avait critiqué la démarche dans un texte commun avec le SNJ-CGT, avait annoncé lundi soir avoir saisi le Conseil d’Etat en référé pour obtenir le retrait pur et simple de cette rubrique, y voyant « une atteinte à la liberté de la presse ».

Le gouvernement a d’abord tenté ce week-end de répondre à ces critiques, en assurant n’opérer aucun tri parmi les articles et les médias recensés, avant que le ministre de la Culture Franck Riester, chargé des questions liées à la liberté de la presse, n’annonce mardi la suppression de « désinfox coronavirus », au vu des « inquiétudes qui ont été suscitées par ce service dans les rédactions ».

Cette initiative (émanant du Service d’information du gouvernement, SIG) « visait simplement à apporter un service supplémentaire en regroupant sur une même page les ressources de lutte contre la désinformation durant la crise sanitaire » (…), et il ne s’agissait pas pour l’Etat « de labelliser les médias ou d’orienter le choix des Français vers tel ou tel média », a-t-il néanmoins assuré.

Pour William Bourdon et Vincent Brengarth, les avocats du SNJ qui avaient saisi le Conseil d’Etat, « dans sa sagesse, le gouvernement a reculé, craignant sans doute une censure sur une initiative portant gravement à la liberté de la presse et à la neutralité de l’Etat ».

Pour le sociologue et spécialiste des médias Jean-Marie Charon, interrogé par l’AFP avant la suppression du service, quelles que soient les intentions du gouvernement, cette initiative ne pouvait que contribuer à alimenter les soupçons récurrents de « collusion entre le pouvoir et la presse ».

Cette controverse fait suite à des accrochages répétés entre l’exécutif et la presse depuis le début du quinquennat, autour du respect du pluralisme et de l’indépendance des médias. Des tensions exacerbées lors de l’adoption fin 2018 de la loi contre les « infox », des débats l’an dernier sur une instance de déontologie, sans oublier les nombreuses violences policières contre des reporters lors du mouvement des « gilets jaunes ».

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