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Saint-Malo : comment l’extrême-gauche parvient à instrumentaliser la justice pour se médiatiser

Du conflit de voisinage…

C’est une histoire banale : l’usine Timac Agro sur le port de commerce de Saint-Malo cristallise actuellement les tensions entre des riverains incommodés par la persistance d’émanations industrielles et une entreprise qui tarde à prendre toutes les mesures ordonnées par la préfecture et nécessaires pour faire cesser la nuisance.

Personne ne conteste qu’il y ait un problème à Saint-Malo, mais des doutes demeurent sur son origine. La société Timac-Agro ne nie pas avoir une part de responsabilité, mais elle n’est pas forcément seule en cause dans une zone d’activités industrielles dense aux portes de la citadelle malouine. Des expertises sont encore nécessaires pour comprendre exactement qui fait quoi et qui est responsable de quoi. Si cependant on ajoute à ce contentieux local somme toute assez ordinaire une revanche politique en bonne et due forme, l’histoire peut rapidement prendre des atours nettement plus spectaculaires, sous réserve toutefois d’intéresser la presse.

… au scandale de santé publique

C’est tout le talent d’Alain Guillard, militant à gauche de la gauche, compagnons de route du NPA, du PC et des Insoumis, qui parvient avec une efficacité redoutable à mobiliser ses nombreux soutiens. Candidat malheureux aux élections municipales, le grand pourfendeur des petits travers municipaux a besoin de combat pour exister politiquement. Son premier échec aux municipales en 2014 l’avait incité à lancer une association citoyenne, dénommée tout d’abord « Osons la Gauche », puis plus simplement « Osons » par la suite. Au sein de cette association, Alain Guillard a pu compter sur la mobilisation de militants très motivés, mais peut-être trop marqués politiquement pour être audibles sur la scène audible.

Le conflit avec la Timac lui a fourni l’occasion qu’il attendait : sortir du petit jeu des oppositions locales basiques en embrassant une grande cause, susceptible de rassembler au-delà de ses cercles de fidèles habituels. En embarquant quelques « compagnons de route » riverains au passage, aux profils nettement plus variés qu’au sein d’Osons, Alain Guillard s’est refait un semblant de virginité politique. C’est d’autant plus vrai que, dans le petit scénario mis au point par Alain Guillard, la cause a tout pour mobiliser les foules : une entreprise décrite comme richissime, faisant subir aux pauvres habitants sans défense les affres d’une pollution illustrant les ravages du capitalisme débridé. Le décor est posé. Mais pour rendre plus piquante cette intrigue assez morose, encore faut-il ajouter à ces agissement coupables la complicité supposée d’une mairie suppôt du grand capital et une justice aux ordres. Avec cette fable bien troussée, Alain Guillard dispose de tous les ingrédients pour assurer son grand come-back. Et voilà comment on passe du fait divers local à la presse nationale.

L’homme de tous les combats

Tant pis ou tant mieux si la cause est environnementale, et quelque peu éloignée de l’objet initial de son association : l’idée est bien de se renouveler et de ratisser large désormais, pour faire oublier un score aux municipales qui ne le place pas vraiment en position d’opposant numéro un. Alain Guillard a de grandes ambitions pour Saint-Malo, mais il lui faut avant toute chose une tribune pour exprimer ses convictions et son projet.

De ses convictions, il est fait étalage à longueur d’articles et d’interviews dont certains semblent avoir été rédigés par lui : l’homme est la gauche de la gauche, bien ancré dans une posture anticapitaliste assez sommaire, qui tient parfois de l’idéologie de la décroissance. L’homme et ses idées sont en tout cas un sujet d’inquiétude à Saint-Malo. Au-delà des convictions, le projet est en effet plutôt sommaire : l’arrêt, la fin, la fermeture d’un certain nombre d’usines et d’activités sur le port de Saint-Malo et alentours. Les pêcheurs apprécieront d’être ainsi passés dans la catégorie des « nuisibles environnementaux », au même titre que la Timac ou d’autres activités du port de commerce malouin. Pour quelle finalité, quelle vision de l’avenir ou quel projet précis au-delà ? L’histoire ne le dit pas, pas plus que le programme politique d’Alain Guillard. La mairie d’abord, les détails ensuite.

Et la justice dans tout ça ?

Si cette histoire de lutte politique locale présente un côté dérangeant, c’est essentiellement en raison de l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Qu’il gagne ou perde, Alain Guillard aura obtenu ce qu’il souhaitait : des micros tendus, des encarts de presse, un nom gravé dans les mémoires malouines. La justice n’est pas une fin, elle est un moyen, et c’est bien ce qui pose problème : Le succès de la cause importe moins à Alain Guillard que les retombées médiatiques de l’affaire. Curieuse vision de la justice et des pouvoirs publics de la part de quelqu’un qui brigue avant toute chose un mandat d’élu.

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