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grandes manoeuvres pour marginaliser le numéro 2 de l’Etat

Réputé homme à poigne et fin stratège, le vice-président du Kenya William Ruto se trouve au centre de grandes manœuvres politiques qui visent à le mettre sur la touche dans la perspective de la présidentielle à hauts risques de 2022.

Le mariage de raison – et de pouvoir – entre William Ruto et le président Uhuru Kenyatta pour les scrutins de 2013 et de 2017 a commencé à se désagréger dès 2018. Mais ces dernières semaines, cette douloureuse rupture s’étale en feuilleton quotidien dans les journaux.

« Uhuru Kenyatta et William Ruto sont à couteaux tirés et bien qu’ils ne se disputent pas directement en public, leurs mots et leurs actes témoignent d’un gouffre entre les anciens compères arrivés en 2013 au pouvoir avec jubilation, faste et glamour », écrit le Daily Nation.

Le « Waterloo » de cette relation, selon le mot du premier quotidien du pays, fut l’alliance scellée à la surprise générale en mars 2018 entre M. Kenyatta et le leader historique de l’opposition Raila Odinga, qui contestait l’élection de 2017 et menaçait de bloquer le pays.

Ce pacte, popularisé comme le « handshake » (« la poignée de main »), a immédiatement fait retomber la tension mais a aussi déséquilibré le sommet du pouvoir. Avec l’arrivée de Raila Odinga, c’est un ménage à trois aux intérêts divergents qui s’installait à la tête de l’Etat.

William Ruto s’était vu promettre par Uhuru Kenyatta d’être en 2022 le candidat du parti présidentiel Jubilee qui avait scellé la réconciliation entre leurs deux ethnies – les Kalenjin et les Kikuyu – après les violences de 2007-2008, consécutives à la présidentielle au cours de laquelle M. Ruto était allié à Raila Odinga, un Luo.

Mais l’ambitieux vice-président, 53 ans, a vu Raila Odinga, 75 ans, s’imposer en successeur d’Uhuru Kenyatta qui exerce le dernier mandat que lui permet la Constitution.

– Dauphin déchu –

Nic Cheeseman, professeur à l’université de Birmingham, y voit la conséquence d’une « pression croissante de parents et alliés de Kenyatta pour dire que le pouvoir ne peut pas être transféré à Ruto, reflétant les inquiétudes de nombreux électeurs kikuyu ».

« Ruto a la réputation de quelqu’un prêt à utiliser la violence, et parmi la communauté Kikuyu et au-delà, les gens sont inquiets de ce qu’il ferait s’il avait le pouvoir absolu. Il est le dirigeant politique le plus craint du Kenya ».

Visible et influent lors du premier mandat, William Ruto n’apparaît quasiment plus en public au nom du gouvernement, contrairement à Raila Odinga.

Sa mise à l’écart « a commencé avec certains de ses soutiens accusés de corruption et lui qui n’était pas invité à certaines réunions », retrace l’analyste politique kényane Nerima Wako Ojiwa, et « ça s’accélère ».

Début octobre, une résolution a proposé de lui retirer son statut de vice-président de Jubilee. Dans le même temps, plusieurs de ses déplacements ont été interdits, après des violences entre jeunes pro-Ruto et pro-Kenyatta qui ont fait deux morts.

Cette marginalisation s’illustre également par les efforts de MM. Kenyatta et Odinga pour pousser une réforme constitutionnelle dont les détails du projet, très attendus, ont été révélés mercredi.

Les adversaires de la réforme, qui comprend notamment la création d’un poste de Premier ministre, soupçonnent les deux hommes de la façonner pour se partager le pouvoir.

– Brouettes contre tours d’ivoire –

A deux ans de la présidentielle, le pays est déjà plongé dans une ambiance d’intense campagne électorale, où le vice-président apparaît ironiquement en seul challenger du gouvernement.

Plus William Ruto semble loin de l’activité politique quotidienne, plus il peut se démarquer du bilan du pouvoir, notamment de la réponse au Covid-19, émaillée de scandales de corruption, note un diplomate occidental sous couvert d’anonymat.

Au contraire, ce self-made man à la réputation sulfureuse joue la carte des petites gens face à un gouvernement préoccupé par son propre avenir quand la crise du coronavirus a durement touché l’emploi.

S’adressant au-delà de sa communauté de la Vallée du Rift, il se veut le porte-voix des « débrouillards » face aux « dynasties », référence aux familles Kenyatta et Odinga, ancrées au coeur du pouvoir depuis l’indépendance en 1963.

« Le problème vient de ces gens qui vivent dans des tours d’ivoire et ne comprennent pas les difficultés des gens ordinaires », a-t-il récemment lancé, selon la presse.

L’offensive cible particulièrement les jeunes, dont il a reçu des représentants, chez lui, pour leur distribuer brouettes, motos et autres outils de travail.

Murithi Mutiga, de l’International Crisis Group, note combien cette « campagne basée sur les classes et non sur les appartenances ethniques » est très inhabituelle au Kenya et « inquiète clairement l’establishment ».

« Ils vont tout faire pour le gêner, le frustrer, en espérant qu’il démissionne afin de ne pas avoir à le démettre ou toute autre mesure drastique de ce type qui pourrait déclencher des violences », estime Nerima Wako Ojiwa. « Mais il est trop têtu pour cela. »

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