Irritant pour la gauche, la presse et une partie de l’opinion, Gérald Darmanin est un « équilibriste », incarnation de la stratégie sécuritaire voulue par Emmanuel Macron pour arrimer l’électorat de droite en vue de la présidentielle de 2022.
Dès sa nomination en juillet dernier, le ministre de l’Intérieur n’a pas caché que telle était sa feuille de route. A l’image de son mentor, Nicolas Sarkozy, il tonne, est toujours en mouvement et parle cru voire choque.
« Il veut mettre des mots sur les choses », explique son entourage. Il y eut ainsi les mots « ensauvagement » ou de « voyous », mais aussi des phrases ponctuées d’argot: « les bagnoles », « ceux qui déconnent » etc. « Il incarne cette droite populaire », dit un de ses amis.
Avec la loi « sécurité globale » et son article 24 interdisant la diffusion d’images mettant en danger des membres des forces de l’ordre, Gérald Darmanin s’est jeté sans complexe dans un discours « très sécuritaire », qui a déchaîné ses détracteurs, selon un ministre.
« Il irrite beaucoup, mais peu lui chaut. Il a sa stratégie politique, il continue, il a un tempérament qui va avec », souligne auprès de l’AFP, le politologue Pascal Perrineau, pour qui Gérald Darmanin « envoie les éléments de langage qui devraient contribuer à geler l’électorat de droite en manque de candidat ». Attention, dit-il toutefois, à ne pas aller « trop loin dans les provocations ».
Son image « est écornée dans la presse et une frange de la population, mais à la fin des fins ce qui émeut une certaine classe politique n’émeut pas les Français », ajoute M. Perrineau.
– Télescopage –
Brice Teinturier (Ipsos) estime que le ministre, en dépit des critiques dont il est l’objet, n’est « pas fragilisé », car il est « utile » au chef de l’Etat dans sa stratégie présidentielle.
Néanmoins, il considère qu’il y a un risque à moyen et long terme que la loi « sécurité globale » et son article 24 deviennent un « sparadrap » pour la majorité. Avec pour conséquence la perte du vote d’une partie de la gauche.
« Gérald Darmanin est un sarkozyste prêt à tout pour monter y compris raconter n’importe quoi », déplore un député LREM de l’aile gauche.
Cette semaine, la séquence n’est guère favorable au ministre avec le télescopage entre la loi « sécurité globale » et des violences de la part de policiers à Paris. Lundi soir d’abord avec, place de la République, l’évacuation d’un camp de migrants sous le regard de la presse puis quelques jours plus tard la diffusion d’une vidéo du passage à tabac d’un producteur.
« Tout s’agglomère et à la fin ce qu’il reste, ce sont des images de violences qui ne sont pas acceptables et qui interviennent à un moment où il y a un débat autour des images », déplore un ministre sous couvert d’anonymat.
Dans les deux cas, Gérald Darmanin a réagi vite. Pour l’évacuation du camp de migrants, il a tweeté à minuit pour dire son émotion devant « des images choquantes » et saisir l’IGPN (« police des polices »). Le rapport devrait être rendu public dans la soirée.
S’agissant du producteur tabassé, il a demandé au préfet de police de Paris, Didier Lallement, de suspendre les trois policiers mis en cause. Ce qui fut fait dans l’après-midi.
« Il marche sur ses deux jambes, la droite et la gauche (…) Il soutient les policiers mais il est également ferme à leur endroit. Cela lui permet de sortir de cet angle liberticide dans lequel il était depuis quelques jours », souligne Franck Louvrier, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy.
« Il est sur le fil comme un équilibriste et il marche bien » juge-t-il. Si pour lui, Gérald Darmanin n’est pas fragilisé, ce n’est pas le cas en revanche de Didier Lallement : « un préfet de police de Paris est un fusible. Il peut avoir un remplaçant tous les mercredi » (jour de Conseil des ministres).
Sentiment partagé par Brice Teinturier pour qui le préfet de police est « un sujet », compte-tenu de « l’accumulation des éléments » de violences de policiers.
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