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Vagues à l’âme en « réa » avant la prochaine tempête de Covid

Marqués par la première vague épidémique, « usés » par la deuxième, les soignants du service de réanimation de l’hôpital Tenon, à Paris, sont las et inquiets à l’heure d’affronter le redouté variant anglais du Covid-19.

Un sapin en plastique trône encore à côté de l’armoire à pharmacie du poste infirmier. Avec sa guirlande, ses boules et, au sommet, un masque chirurgical. Ici plus qu’ailleurs, le Covid fait partie du décor.

Mardi matin, les 20 lits affichent complet et le virus s’en arroge la moitié. « Depuis novembre, on n’est jamais descendu en dessous d’un quart », souligne le Pr Muriel Faroukh, 53 ans, cheffe d’un service qui « a appris à travailler avec ce niveau de pression supplémentaire ».

Rien à voir avec « l’enfer » de mars, quand 42 lits monopolisaient « tout l’étage », avec « tous les patients intubés-ventilés sur le ventre ». Mais elle voit bien qu' »un vrai sentiment d’inquiétude » monte dans son équipe, en même temps que les admissions de malades infectés augmentent de façon « extrêmement nette ».

Tenon ne fait pas exception: l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) dénombrait mardi 219 « patients Covid » en réanimation, soit 41 de plus en dix jours. Le nombre d’admissions quotidiennes est passé de 15 à 25 en trois semaines.

Certains se retrouvent sous sédation, tube respiratoire dans la bouche, sonde alimentaire dans le nez et compresses sur les yeux, à la place des paupières relâchées par l’effet des curares.

D’autres restent conscients, comme cet homme obèse et énervé, qui requiert trois aides-soignants pour sa toilette. Dont Julien, 30 ans, qui ne se sent « pas encore débordé comme on a pu l’être » au début, mais commence à trouver le temps long.

« On est usé », dit-il, « on vit ce stress au quotidien dans le service, quand on rentre chez nous on n’a rien pour décompresser parce que tout est fermé. Mentalement ça commence vraiment à être éprouvant ».

– « Une forme de routine » –

« On en a marre », confirme son collègue Édouard. Cet infirmier de 34 ans en a pourtant vu d’autres, en six années de « réa ». Heureusement, « l’équipe est assez soudée, c’est ce qui nous fait tenir », alors si l’épidémie repart « on va le gérer comme on l’a déjà fait ».

C’est pratiquement devenu « une forme de routine », constate Marie, 32 ans, pour qui « un patient Covid, c’est presque facile, on sait comment ça va se passer, c’est toujours la même chose ».

L’inertie n’a pas que des vertus: « Depuis l’année dernière, il n’y a pas eu d’ouverture de lits », regrette l’infirmière, qui espérait aussi davantage de « personnel formé, compétent et fixe », au lieu des renforts piochés dans d’autres services à chaque vague de Covid. « Ils font ce qu’ils peuvent mais on voit la différence ».

Pendant que les médecins effectuent leur tournée de visites matinales, suivis par une dizaine d’internes et d’externes, deux manipulateurs radio enchaînent les clichés de thorax dans un autre couloir, en prenant soin de changer d’appareil entre les patients Covid et les autres.

« Les professionnels qui travaillent ici sont très consciencieux », ce qui n’est « pas évident lorsqu’on enchaîne des journées lourdes en soins », observe la cadre de santé Esther Kénol, 35 ans. N’empêche, les héros en blouses blanches et bleues sont fatigués, et pour cause: « Ca fait bientôt un an qu’on pédale dans cette semoule tous ensemble ».

Plus que le variant anglais, menace imminente mais pas encore concrète, « ce qui nous inquiète beaucoup c’est l’accumulation d’incertitudes » sur une « succession de potentielles vagues qui arrivent ». Elle penche donc pour « des décisions fermes et concrètes ».

Comme la Pr Faroukh, qui juge que « les indicateurs doivent faire très clairement envisager un reconfinement », si possible « très rapidement ». Comme l’aide-soignant Julien, qui estime que « les Français doivent accepter de faire l’effort, parce que nous, en milieu hospitalier, on n’en peut plus ».

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