Mesures contre le port du voile et les listes communautaristes, ou pour renforcer la « neutralité » à l’université et dans le sport: c’est un projet de loi contre le « séparatisme » nettement durci que s’apprête à voter lundi le Sénat dominé par l’opposition de droite, en première lecture.
De la mosquée de Strasbourg à l’école musulmane d’Albertville, plusieurs événements d’actualité ont ponctué les deux semaines d’examen au palais du Luxembourg, marquées par des passes d’armes entre les bords opposés de l’hémicycle.
Voulu comme un « marqueur » du quinquennat Macron, le projet de loi « confortant le respect des principes de la République », porté pour l’essentiel par Gérald Darmanin et Marlène Schiappa, prévoit des mesures sur la neutralité du service public, le contrôle renforcé des associations, une meilleure transparence de l’ensemble des cultes et de leur financement, l’instruction à domicile, ou encore la lutte contre les certificats de virginité ou la polygamie.
Mais pour le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, c’était dans sa version votée par les députés en février « un texte pour rien ». La majorité sénatoriale s’est donc employée à le « corser » contre l’islamisme radical, tout en assouplissement les dispositions sur l’instruction en famille (IEF).
Le député LR Eric Ciotti a salué sur Twitter « le courage des sénateurs qui ont porté des mesures indispensables », mais a dit craindre « que la majorité En Marche revienne au texte initial qui ne s’attaque en rien à l’islamisme ».
Une fois le texte voté par le Sénat, députés et sénateurs tenteront de trouver un accord sur un texte commun en commission mixte paritaire (CMP), mais ils risquent de buter sur une divergence de vue majeure concernant l’IEF. En cas d’échec, une nouvelle lecture sera organisée dans chacune des chambres, l’Assemblée nationale ayant le dernier mot.
Concernant l’IEF, les sénateurs se sont opposés au régime d’autorisation que le gouvernement souhaite mettre en place, avec dans le viseur le « séparatisme » scolaire des islamistes radicaux et autres dérives sectaires.
Fustigeant « une suspicion généralisée », la majorité sénatoriale a souhaité maintenir le système actuel de simple déclaration, tout en conservant un certain nombre de garanties votées par les députés.
Contre l’avis du gouvernement, et malgré l’opposition de la gauche de l’hémicycle, le Sénat a décliné une série de nouvelles mesures visant à interdire le port du voile – ou tout autre signe religieux ostensible – pour les parents accompagnant les sorties scolaires et lors des compétitions sportives nationales, pour les mineures dans l’espace public, ainsi que le burkini à la piscine.
– Interdire les babouches –
Pour l’université, « angle mort » du texte, selon le rapporteur LR Stéphane Piednoir, le Sénat a prévu d’interdire l’exercice du culte dans l’enceinte des établissements publics d’enseignement supérieur, en excluant les aumôneries. Dans la ligne de mire: « les prières dans les lieux inappropriés », comme « les couloirs ».
La chambre haute a encore prévu d’interdire les listes communautaristes aux élections, et de faire obstacle à la délivrance ou au renouvellement des titres de séjour en France d’étrangers qui rejetteraient « manifestement les principes de la République ».
Votée également, la possibilité de suspendre les allocations familiales pour lutter contre l’absentéisme scolaire.
Certains à droite auraient souhaité aller plus loin encore, proposant par exemple, mais sans succès, d’interdire le voile à l’université ou d’imposer que les prêches soient prononcés en français.
« Une partie de la majorité sénatoriale était à deux amendements de faire interdire les babouches », a déploré la sénatrice centriste Nathalie Goulet.
Dans le sillage de la polémique autour des réunions non-mixtes organisées par l’Unef, le Sénat a voté très largement un amendement LR pour permettre la dissolution d’associations interdisant la participation d’une personne à une réunion en raison de sa couleur ou son origine.
En lien avec l’actualité également, les sénateurs ont donné un large feu vert à un amendement du gouvernement instaurant une obligation d’information du préfet trois mois au préalable, avant toute subvention publique pour la construction d’un lieu de culte. Une disposition inspirée de l’affaire de la subvention de la mairie de Strasbourg pour la construction d’une mosquée de la Confédération islamique Millî Görüs.
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