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l’urgence de passer de l’individualisme à l’intérêt général

Les entreprises, auparavant symbole de l’individualisme de nos sociétés, peuvent-elles devenir les nouveaux moteurs de l’intérêt général ? Ou pour le dire autrement, comment peuvent-elles prendre en charge des évolutions sociétales majeures qui auront à coup sûr un impact sur la manière de travailler ?

Au moins quatre transformations radicales redessinent l’implantation dans les territoires et l’organisation interne des entreprises : la transition énergétique avec la décarbonation à l’horizon de 2050, la révolution numérique avec le développement de la robotisation et de l’intelligence artificielle (IA) en particulier générative, le choc démographique avec l’allongement de l’espérance de vie et la baisse de la natalité, et les chocs sanitaires et géopolitiques entraînant la relocalisation des chaînes de valeur et la réindustrialisation de l’économie.

À l’horizon 2030, la part des personnes âgées de 60 ans ou plus sera de 31,1 % contre 20,6 % en 2000. Dans le même temps, la natalité a baissé de 6,6 % en 2023 par rapport à l’année 2022. Ce choc démographique a des conséquences directes sur le marché du travail (salariés aidants, maintien en activité des seniors) et sur le financement de la protection sociale lié à la dépendance.

Souveraineté économique en cause

Récemment, la crise sanitaire et le conflit en Ukraine ont montré la dépendance aux autres Nations pour la production de biens et les matières premières, remettant en cause notre souveraineté économique. La relocalisation des chaînes de valeur est donc devenue un sujet majeur, et la France a renforcé sa politique de réindustrialisation pour garantir sa souveraineté économique. Selon l’Insee, 62 300 emplois industriels ont été créés depuis 2019. Toutefois, les enjeux en matière de compétences sont énormes avec des besoins prévisionnels de recrutement pour les métiers industriels s’élevant à 90 000 par an entre 2019 et 2030 selon France Stratégie.

Le pays connaît une révolution numérique via la digitalisation de l’économie caractérisée par la robotisation et l’IA notamment générative. Selon l’OCDE, 24 % des métiers seront touchés par l’arrivée de l’IA dans les 10 ans à venir. Les métiers automatisables concernent des métiers de bureau qui concentrent des tâches administratives. Il s’agit plutôt de métiers intellectuels supérieurs. 9 % des métiers risquent même de disparaître (juriste, comptable, graphiste, consultants juniors…).




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Selon la banque américaine Goldman Sachs, 300 millions d’emplois dans le monde pourraient être remplacés par l’IA générative (dont 25 % en Europe et 25 % aux ÉtatsUnis). Cette révolution digitale conduit à une destruction d’emplois ou de certaines tâches et à l’apparition de nouveaux métiers. Ainsi, selon le forum économique mondial, 83 millions d’emplois devraient effectivement être supprimés ces 5 prochaines années,mais 69 millions d’autres emplois pourraient être créés.

Les RH à la croisée des chemins

Ces différents chocs ont pour conséquence commune la nécessité d’adapter les compétences de la population active en anticipant les besoins des entreprises et les métiers qui vont se créer, en plus du développement des compétences scientifiques indispensables à ces transformations. De fait, les besoins en compétences issus de ces différents chocs et les difficultés de recrutement induites obligent les entreprises à tenir compte des aspirations de leurs salariés en matière de qualité de vie et de sens au travail, de rémunération, de formation tout au long de la vie, d’accompagnement des salariés aidants, de maintien en activité des seniors, d’intégration des jeunes, d’inclusion sociale, de prise en compte de la diversité, de frugalité écologique, et de développement soutenable.

Ainsi, une enquête menée en septembre 2022 par la Fondation Jean Jaurès auprès de 1 000 jeunes actifs français montre que 56 % des jeunes interrogés sont en recherche de sens et d’engagement dans le cadre de leur vie professionnelle ou de leurs études ; 38 % d’entre eux estiment que les entreprises doivent donner les moyens à leurs salariés de s’épanouir professionnellement et d’être utiles à la société ; 37 % considèrent que la préservation de l’environnement est un sujet majeur d’engagement pour les entreprises. Pour attirer et conserver ses talents, l’entreprise doit donc répondre à ces enjeux en mettant en place une stratégie et un accompagnement adéquats. Les jeunes attendent aussi une bonne rémunération (43 %) ainsi qu’une activité intéressante (32 %). Cette quête de sens au travail n’est pas propre aux jeunes générations : depuis la crise sanitaire, elle est aussi devenue une priorité pour les cadres.

Une étude de l’APEC menée fin 2022 indique que 95 % des cadres jugeaient important d’exercer un métier qui a du sens. La notion de sens au travail recouvre trois grandes dimensions : (i) le fait de ressentir au travail davantage d’affects positifs que négatifs ; (ii) la satisfaction procurée par le contenu des missions, le développement des compétences et l’impact des actions, et (iii) le sentiment de contribuer et d’adhérer à un projet global d’entreprise.

Réduire le turnover

L’absence d’une de ces dimensions accroît le risque de voir partir un collaborateur vers une entreprise répondant davantage à ses attentes. De fait, un cadre qui a perdu de vue l’utilité de son travail sera un salarié malheureux dont l’absentéisme et le désengagement coûtent cher à l’entreprise. A contrario, avoir des équipes motivées et heureuses au travail impacte positivement la productivité. En outre, le taux de turnover diminue.

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Comment les entreprises s’adaptent-elles à ces demandes sociales des salariés ? Évidemment, il appartient aux dirigeants d’entreprise et aux managers de définir les objectifs de l’entreprise en les orientant vers davantage d’utilité sociale. Ils décident ensuite des modalités de gestion des ressources humaines permettant leur mise en œuvre. Plusieurs leviers existent.

D’abord, il faut apporter aux salariés des informations claires et régulières sur la stratégie de l’entreprise : avoir un travail qui a du sens, c’est avant tout connaître sa finalité sur le court et le long terme. Il est crucial que chaque collaborateur ait une vision claire de son rôle, de sa contribution et de ses compétences au sein de l’entreprise. Ensuite, à l’instar de grands groupes comme Accor, Eiffage, Pernod Ricard ou la Macif, on peut instaurer des espaces de management participatif où de jeunes cadres livrent leurs visions aux cadres dirigeants sur des sujets stratégiques.

Le rôle majeur des syndicats

Il faut également apporter un retour au collaborateur sur l’impact de ses actions, en valorisant les réussites : plus un salarié est conscient de son impact sur l’entreprise, plus il sera motivé dans ses missions et impliqué dans le développement de cette dernière. Il faut également garantir une évolution de carrière associée à une évolution de la rémunération. Pour l’entreprise, mieux rémunérer un salarié conduit à le fidéliser : il est plus impliqué donc moins absent et sa productivité augmente. La rémunération renvoie également au partage de la valeur et donc aux négociations collectives et au dialogue social.

Les syndicats ont donc un rôle majeur à jouer en termes de rémunération, de qualité de vie au travail, d’évolution des compétences et des carrières, et de prise en compte des demandes sociétales. Le développement des compétences au cours d’une carrière nécessite l’instauration d’une politique efficace de formation tout au long de la vie. Pourtant, celle-ci reste trop peu développée par crainte de former des salariés qui quitteront l’entreprise pour rejoindre la concurrence. Une solution serait de mutualiser les coûts de la formation continue au sein de chaque branche de manière à faciliter la mobilité professionnelle ainsi qu’un meilleur appariement entre les entreprises et les salariés.

La politique de responsabilité sociétale des entreprises est également un levier possible pour répondre aux aspirations des salariés, et plus largement, aux différents objectifs de développement durable, sans oublier la marque entreprise qui joue un rôle non négligeable dans l’attraction des jeunes talents.


Cette contribution a été écrite dans le cadre des 24e Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence, qui se tiendront les 5 et 6 juillet 2024, à Aix-en-Provence et en ligne (accès gratuit). Plus d’informations et le programme complet sur le site des Rencontres.

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