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quel État, pour quelle Palestine ?

La question de la reconnaissance de l’État de Palestine, présente dans l’agenda international depuis des décennies, est revenue au premier plan depuis le 7 octobre dernier. Plusieurs États supplémentaires, dont quatre européens, ont dernièrement annoncé qu’ils reconnaissaient officiellement la Palestine : c’est désormais le cas de 147 des 193 États de l’ONU.

Toutes ces reconnaissances ne répondent pourtant pas à une question fondamentale, posée notamment lors d’un colloque tenu à Dijon en 2009 et intitulé « Quel État ? Pour quelle Palestine ? ». Quinze ans plus tard, ce questionnement est plus que jamais d’actualité.

Les trois critères définissant un État

Les juristes définissent l’État à partir de trois critères constitutifs : une population, un territoire et une autorité politique souveraine.

Ces trois éléments suggèrent l’existence d’une entité formelle et politique, sujet de droit international doté, dès lors, de droits et d’obligations conformément aux prescriptions de la Charte de l’ONU. Un quatrième critère est souvent nécessaire pour que cette entité puisse devenir l’égal de ses pairs : la reconnaissance par les autres sujets de droit international (États ou organisations internationales).

Cette reconnaissance individuelle, principalement symbolique, n’emporte aucun effet juridique à proprement parler si ce n’est la volonté d’accueillir une délégation représentant l’entité (équivalent à une ambassade) et d’entretenir des relations diverses avec ce « quasi-État ».

Et même si l’ONU venait à reconnaître la Palestine par un vote du Conseil de Sécurité, ce qui parait improbable compte tenu du veto annoncé des États-Unis, cela n’aurait pas davantage de conséquences juridiques ou politiques dans la mesure où la Palestine accède déjà à un certain nombre d’organes des Nations unies, a ratifié plusieurs conventions et textes internationaux, et est donc devenue de fait un sujet de droit international ; les décisions rendues par la Cour internationale de Justice en juillet 2004 puis en janvier 2024 accréditant en filigrane la thèse de l’existence d’un État de Palestine.

Or, ce qui manque à cette demande insistante afin qu’elle soit considérée comme une réelle avancée pour les Palestiniens, c’est d’abord… l’avis de l’ensemble des Palestiniens, y compris les réfugiés de 1948 et leurs descendants (selon des régles à définir par eux-mêmes), qui n’ont pas pu participer aux élections de 1996 et 2006. Les impliquer dans ces discussions serait une manière de tout simplement mettre en œuvre le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Les réalités du terrain

La confrontation aux réalités du terrain est également une nécessité, trop souvent omise.

La population palestinienne d’abord. Si elle constitue une réalité tangible (le peuple palestinien), elle n’en reste pas moins éparpillée, séparée, divisée en plusieurs segments, résultat de l’histoire longue qui a commencé avec la Nakba en 1948, doublée par la question jamais vraiment abordée du retour des réfugiés en dépit de la résolution 194 (1949), reprise par d’autres résolutions jamais appliquées par la puissance occupante.

Le territoire, ensuite, est fragmenté, sans continuité géographique, Gaza étant séparée de la Cisjordanie. La colonisation configure également la géographie de la Cisjordanie, donnant à voir une carte en forme de peau de léopard, soit une forme de « bantoustanisation » qui rend compte d’une politique de longue haleine consistant à grignoter au quotidien le territoire cisjordanien.

L’autorité politique souveraine enfin, incarnée depuis les Accords d’Oslo par l’Autorité palestinienne, structure principalement formelle, décrédibilisée auprès des Palestiniens, perçue comme supplétif de l’armée israélienne (coordination sécuritaire) et surtout incapable depuis 2007 d’assurer une quelconque autorité à Gaza, où le Hamas s’est imposé comme l’unique pouvoir. À Jérusalem-Est ou en Cisjordanie, depuis la fin de la seconde intifada (2005), l’AP ne dispose que d’un pourvoir diffus, hormis la répression des opposants ; l’ensemble de la vie des Palestiniens est régie au quotidien par les ordres militaires israéliens.

D’autres questions se posent quand est évoquée la reconnaissance de l’État palestinien, qui sont passées sous silence : la démilitarisation posée comme acquise sans dire sur quel fondement ; la question des réfugiés qui depuis 2001 n’est plus abordée et est source de nombreuses équivoques ; la question de l’eau, actuellement détenue par Israël à son profit essentiellement, alors que les principaux aquifères sont situés en Cisjordanie ; le droit de battre monnaie alors que le shekel est la devise principale, limitant l’indépendance financière de la Palestine ; tout comme la redoutable question de la dépendance économique de la Palestine depuis les accords de Paris en 1994 qui ont institutionnalisé une forme d’asymétrie économique, très mal vécue par les Palestiniens.




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Et donc toujours lancinante, cette question : quel État, pour quelle Palestine ?

Vers un État commun ?

Il en va de cette reconnaissance comme de l’arbre qui cache la forêt. Certes, la reconnaissance sert à redonner un tant soit peu de crédibilité et une morale à une communauté internationale atone depuis si longtemps. Certes, elle peut symboliquement redonner de l’espoir et isole sans doute encore davantage Israël et son premier ministre.

Mais elle conduit à esquiver le principal et le vital immédiat, à savoir le cessez-le-feu, la libération des otages et des prisonniers, l’accès à l’aide humanitaire pour que se termine cette horreur guerrière. Et elle persiste surtout à porter un narratif, celui des deux États, qui a montré son incapacité à donner aux Palestiniens et aux Israéliens désireux de sortir de l’idéologie du sionisme la possibilité d’ouvrir sur une alternative crédible et durable. Celle d’un État démocratique, laïque, de droit (proposition ODSI) et égalitaire pour tous ses citoyens, sans distinction de genre, de croyance et de couleur, porteur d’un avenir d’égalité et de liberté, libéré des affres de toutes idéologies (sioniste ou islamiste).

L’État commun de la mer au Jourdain serait alors l’œuvre d’un humanisme partagé et la garantie d’une paix durable et juste dont les peuples auraient à concrétiser ensemble les contours au lieu de se les voir imposer encore et toujours.

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