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Au procès en appel du bizutage violent, des ex-pompiers toujours irréconciliables

Traumatismes et dépressions contre « tradition » virile: huit ans après le bizutage violent qui a précipité la fin de l’équipe de gymnastique des pompiers de Paris, le procès en appel a confirmé le fossé irréconciliable entre victimes et prévenus.

Soudés sur les bans de l’accusation comme dans leurs témoignages à la barre, les cinq trentenaires prévenus sauront le 12 décembre s’ils sont à nouveau reconnus coupables de violences volontaires ainsi que, pour deux d’entre eux, d’atteintes sexuelles sur deux de leurs ex-camarades, Jérémy D. et Maxime B., lors du bizutage de mai 2012.

En cause, le « Bronx », un rite de passage officieux mais traditionnel dans l’équipe de gymnastique, créée en 1919 et l’un des porte-drapeaux les plus célèbres de la Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP, militaire).

Ce jour-là, le 6 mai 2012, l’équipe revient d’une démonstration à Colmar, et Jérémy D. et Maxime B., deux recrues dans la jeune vingtaine, subissent « le Bronx » de la part de camarades plus anciens à l’arrière du bus. A leur retour à Paris, ils déposent plainte. L’affaire, vite médiatisée, est un coup de tonnerre pour la BSPP.

En février 2019, dix des « bizuteurs » avaient écopé de peines allant de trois mois de prison avec sursis à six mois ferme. Cinq ont interjeté appel et le nouveau procès s’était ouvert le 23 septembre dernier.

La cour y avait projeté les vidéos de violences infligées aux victimes, filmés pendant leur « Bronx » par des téléphones portables de pompiers, et donc incontestables. On y voyait notamment, dans une ambiance festive et virile de testostérone déchaînée, plusieurs pompiers martyriser longuement le postérieur de Jérémy D. qui, quelques minutes auparavant, était encore souriant en se rendant au fond du bus.

Ses fesses sont rouges, il est mordu, apparemment violemment, mais reste souriant en revenant à sa place. Provocateur, il semble en demander davantage et y retourne sous les encouragements.

Ces nouveaux coups et morsure sont eux aussi filmés. Il est ensuite retourné sur le dos, des mains se rapproche de son sexe et de son anus qui sera, comme les plaies sur ses fesses, enduit de baume du tigre abrasif.

– « Jamais soutenus » –

Après ce second passage, Jérémy D. a les fesses violacées, portant des ecchymoses et en sang. Et il n’a plus du tout envie de rire: la vidéo le montre revenant du fond du bus en silence, comme sidéré. Passé avant lui, Maxime B. est choqué et « en pleurs ». Tous deux disent qu’il n’avaient pas le choix s’ils voulaient être bien intégrés dans l’équipe.

Après les faits, Jérémy D. et Maxime M. ont été placés en arrêt longue maladie, et fini par quitter la brigade. Profondément traumatisés, selon les experts, ils ont ensuite été suivis par des psychologue pendant plus de 5 ans.

A la barre, Jérémy D. a exprimé sa « colère » envers la BSPP, qui « nous a reproché d’avoir porté plainte » et « ne nous a jamais soutenus », comme envers les accusés qui ont suggéré qu’il aurait provoqué et instrumentalisé ces violences. « Pourquoi aurais-je tout organisé? Je ne suis plus pompier et ça a été huit ans de galère ».

Les prévenus ont eux laissé voir leur incompréhension d’être ainsi jugés pour des « choses traditionnelles » à la brigade et qu’ils avaient eux même subi avant, même si certains admettent que celui de Jérémy D. a peut-être été « un peu plus violent ». Et, pour les deux concernés, nié toute atteinte sexuelle.

Comme en première instance, ils ont émis des regrets, mais moins sur les faits que sur les conséquences. Tous ont quitté la BSPP, beaucoup disant avoir déprimé, peu ont retrouvé des situations professionnelles florissantes. « Je regrette notamment l’impact psychologique que cela a eu sur les victimes », a déclaré l’un d’eux à la barre fin septembre, avant une interruption du procès pour cause de magistrate atteinte de Covid.

A la reprise du procès jeudi, l’avocate générale, Anne-Françoise Tissier, a réclamé des peines (jusqu’à 18 mois de prison dont six ferme) un peu supérieures à celles infligées en première instance.

Les prévenus n’ont « toujours pas réalisé la gravité » des violences, proches d' »actes de torture » et d’aspect « éminemment sexuel », a-t-elle fustigé, avant de remercier les deux victimes d’avoir « brisé le silence » et « permis que cette affaire sorte ».

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