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La mort de Julie Douib, l’électrochoc qui a conduit au Grenelle

Dans la longue liste des féminicides de 2019, il fut un électrochoc. Le meurtre de Julie Douib début mars en Corse a ému l’opinion, donné le départ d’une mobilisation inédite et poussé le gouvernement à organiser son « Grenelle ».Samedi 10 mars, deux marches blanches en hommage à Julie communient dans un même silence à 1.000 km de distance.A L’Île-Rousse (Haute-Corse), plus de 3.000 personnes défilent en partant de la résidence où la jeune femme de 34 ans a été tuée de deux balles une semaine plus tôt par le père de ses deux enfants, son ex-conjoint Bruno Garcia.A Vaires-sur-Marne (Seine-et-Marne), où elle a passé son enfance, elles sont environ 900, menées par l’humoriste et actrice Muriel Robin. Une foule énorme pour une ville de 12.000 habitants.Huit mois après, l’organisatrice, Céline Lolivret, amie d’enfance de Julie, se souvient de « la foule, les gens en blanc, les roses blanches, les enfants ». Et de « ce silence incroyable ».Les parents de Julie, Lucien et Violette, défilent à L’Île-Rousse. Tout comme Maryse Santini, la voisine qui l’a découverte sur son balcon, gisant dans son sang, après le passage de Bruno Garcia qui est ensuite allé se rendre aux gendarmes. »Elle m’a simplement dit, +Il m’a tuée+ », raconte-t-elle. « Ça faisait déjà un mois qu’elle me disait +il va me tuer, il va me tuer+, et voilà… »A la fin de la manifestation, Lucien Douib souligne que sa fille est « la trentième femme tuée par son conjoint ou ex conjoint depuis le début de l’année », d’après le décompte d’un collectif associatif.Ce chiffre, soit une tous les deux jours en moyenne, interpelle. « Tous les médias m’ont appelée, même CNN », se souvient Céline Lolivret qui fondera dans la foulée une association avec d’autres proches de victimes.Le fait qu’elle soit mère de deux garçons et que le père soit le meurtrier a particulièrement choqué, souligne Marie-Ange Susini, déléguée régionale des droits des femmes et de l’égalité en Corse.- « Elle nous a protégés » -Souvent décrite comme « solaire », « drôle » et « très sociable », Julie Douib ne s’étendait guère sur ses problèmes conjugaux. En septembre 2018, elle quitte Bruno Garcia. A de rares proches, elle a confié qu’il était « violent, mais de temps en temps ». »Julie ne disait jamais tout à tout le monde. Elle nous a tous protégés et a accepté de subir ce qu’elle a subi pendant des années pour ses enfants », souligne son père, accusant néanmoins les gendarmes de ne pas avoir assez protégé sa fille.Les relations au sein du couple se dégradent encore après la séparation, notamment autour de la garde des enfants qu’ils partagent. Entre septembre 2018 et sa mort, elle dépose plusieurs mains courantes et plaintes à la gendarmerie qui seront toutes étudiées, précise au moment des faits la procureure de Bastia Caroline Tharot.Mais elle n’y signale que des violences mineures, ajoute la procureure qui note que Bruno Garcia a aussi déposé plusieurs plaintes contre elle et son père. Une situation jugée conflictuelle mais sans danger suffisamment caractérisé pour intervenir, selon des enquêteurs.En avril, des députés corses évoquent le meurtre à Paris avec la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa.L’affaire a fait découvrir la problématique des féminicides à une partie du monde politique, estime Mme Susini.Elle a aussi « libéré la parole des femmes battues », note Céline Lolivret. Le 14 mai, Laura Rapp, 31 ans lance un appel sur les réseaux sociaux: elle craint pour sa vie après la libération de son ex-conjoint qui avait tenté de la tuer en avril 2018. Une semaine après cet appel très relayé, il est remis en prison.Fin juin, alors que le nombre de femmes tuées approche les 70, les proches des victimes appellent dans les médias le gouvernement à la mobilisation générale. « Cela a favorisé une prise de conscience », note Mme Susini.Tout s’accélère début juillet.Le 3, Mme Schiappa reçoit des associations et proches de victimes, dont Céline Lolivret. « Ce jour-là », dit-elle, « on lui a demandé un Grenelle » contre les violences conjugales. Le 6, nouvelle manifestation à Paris, avec Muriel Robin, encore, et Julie Gayet.Le lendemain, Marlène Schiappa annonce le « Grenelle », qui sera lancé le 3 septembre, en présence de Lucien Douib.Ses résultats sont attendus lundi. A ce jour, au moins 117 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou ex depuis le début de l’année, selon un décompte de l’AFP.

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