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le malaise d’une profession, en grève comme « en résistance »

« En résistance »: la colère des avocats de France, qui mènent depuis quatre semaines une grève dure, se nourrit, au-delà de la contestation de la réforme des retraites, du malaise profond de la profession.

Ils sont « déterminés à continuer » à défendre leur régime autonome qui « ne coûte pas un euro » d’argent public, prévient le Conseil national des barreaux (CNB), qui représente les 70.000 avocats français.

En dépit de « réunions techniques » à la Chancellerie – « On nous reçoit mais on ne nous écoute pas » -, les robes noires n’attendent plus guère de geste que du Premier ministre qu’ils revoient mardi soir, après une nouvelle mobilisation dans la rue lundi.

« Cette profession n’a jamais été aussi proche de la rupture avec le gouvernement », s’inquiète la présidente du CNB Christiane Feral-Schuhl.

Lors d’un récent rassemblement à Paris, une avocate soupirait en désignant la foule des robes noires en colère: « C’est l’électorat de Macron en 2017 que vous voyez là. Nous sommes libéraux, mais aussi attachés au service public, à la justice et à la solidarité. Beaucoup ne voteront plus pour lui ».

S’ils sont déterminés alors que la grève leur coûte cher – des jeunes avocats font état de revenus amputés de plus des deux-tiers en janvier -, c’est que « cette réforme des retraites est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », affirme Hélène Fontaine, présidente de la Conférence des bâtonniers, qui représente les barreaux des régions.

– « Enorme angoisse » –

Il y a des combats anciens, comme la demande d’une hausse de la rémunération de l’aide juridictionnelle, qui permet aux plus démunis d’être défendus par un avocat.

Il y a des batailles plus récentes, contre la généralisation de la visio-conférence à l’audience ou contre les « box vitrés » qui essaiment dans les tribunaux et dont les avocats réclament et obtiennent parfois le démontage, au nom de la présomption d’innocence.

Et il y a surtout une « énorme angoisse » face aux bouleversements de la réforme de la justice portée par Nicole Belloubet, dont les premières mesures entrent en vigueur début 2020.

« Avec cette réforme, au civil, on renverse un principe séculaire en imposant l’exécution provisoire des décisions de première instance », s’insurge l’avocate Lara Morel, qui y voit une volonté de décourager le droit d’appel.

Une personne condamnée à couper des arbres ou à régler une facture litigieuse sera désormais contrainte de le faire même si elle gagne ensuite en appel.

La tentative de conciliation, dorénavant obligatoire avant de saisir un juge pour les litiges de moins de 5.000 euros, pourra se faire avec des avocats mais aussi via un médiateur, payant: une façon de « privatiser » la justice, pour de nombreux avocats.

La profession est aussi furieuse de ne pas obtenir « la force exécutoire » de l’acte d’avocat, qui permettrait de se passer du juge pour le faire exécuter.

« Tout dans ces réformes répond à une logique comptable. On favorise l’émergence de médiateurs privés, on laisse des banquiers ou des assureurs pratiquer du conseil juridique: on affaiblit le corps intermédiaire qu’est la profession d’avocat », analyse Xavier Autain du CNB.

– Trop nombreux? –

Face à l’inquiétude de la profession, Mathieu Oudin, avocat à Pau, est stupéfait du « mépris affiché » par un gouvernement qui estime qu' »il nous appartient de changer de métier si nous ne sommes pas capables de payer nos nouvelles cotisations ».

Certains y pensent. « Si la réforme passe, mon cabinet aura du mal à y survivre », reconnaît une jeune pénaliste de Marseille.

Les avocats sont-il trop nombreux? Un argument souvent opposé au CNB, qui rétorque: « Nous sommes, proportionnellement, trois fois moins nombreux qu’en Allemagne ». Et souligne que depuis l’unification de l’examen du barreau, réclamé par la profession, le nombre d’élèves avocats est passé d’environ 4.000 en 2016 à 3.300 en 2019.

« Le droit est un marché en extension et doit être réglementé. Mais la question est qui peut faire du droit? », pour Xavier Autain, qui estime que c’est le rôle de l’avocat, dont la compétence et la déontologie sont une « garantie pour le justiciable ».

« Qui imaginerait qu’on mette sur le marché une voiture sans contrôle d’un technicien, un médicament sans certification d’une agence? », demande-t-il.

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