in

le quotidien d’accompagnants sexuels pour handicapés

Elle est travailleuse du sexe, lui est « masso-relaxologue »: Cybèle et Fabrice défendent leur « travail social » d’accompagnant sexuel pour personnes handicapées, une activité assimilée en France à la prostitution mais que le gouvernement souhaite autoriser pour mettre fin à une abstinence « non choisie ».

« Je ne suis pas Mère Teresa »: Cybèle Lespérance, 38 ans, accompagnante sexuelle depuis un an et demi, refuse de voir dans cette pratique « un sacrifice » ou de la « charité ».

Travailleuse du sexe depuis six ans, cette Canadienne installée à Chambéry (Savoie) n’est pas non plus « thérapeute ». « Les handicapés en ont marre de n’être touchés que pour du soin. Moi, je suis là pour le plaisir », résume-t-elle pour l’AFP.

Elle fait partie des quelque 80 personnes formées depuis 2015 par l’Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel (Appas), l’organisation de référence en France.

C’est via l’Appas que Cybèle prend contact avec les personnes handicapées, qu’elle appelle « clients ». Cette mise en relation, qui relève du « proxénétisme » aux yeux de la loi, est assumée sur son site par l’association qui affirme n’en tirer « aucun bénéfice autre que moral ». Jusqu’à présent, elle n’a jamais été condamnée.

Tout premier rendez-vous est précédé par un « contact informel » pour « poser le cadre de l’intervention », selon l’Appas.

« J’ai un aide-mémoire avec des questions pour bien comprendre les besoins de cette personne, les limitations de son handicap, les questions logistiques », explique Cybèle, parfois sollicitée directement via des sites d’escort. Le prix, préconisé par l’association, est de 150 euros pour 1h30, « bien en-dessous des tarifs d’escorting classique ».

Les désirs qu’elle satisfait couvrent « tout le spectre, entre la sensualité et l’acte pénétratif ». Elle ne voit plus de différences entre les personnes valides et handicapées, « qui peuvent aussi être dans la consommation sexuelle ».

Les demandes proviennent « parfois des parents, des grands-parents, des frères et sœurs » et même d' »une directrice d’établissement » pour handicapés. « L’idéal c’est quand cette démarche se fait en toute transparence » mais ce n’est pas toujours possible, regrette Cybèle.

Quand elle se déplace en institution, « les gens ont le droit d’avoir des visiteurs et de fermer la porte de leur chambre ». Quand c’est au domicile, « on évite les horaires de repas, quand passent les auxiliaires de vie ».

– « En cachette » –

« Pour les femmes handicapées, cela ressemble souvent à un parcours du combattant », abonde Fabrice Flageul, 55 ans et accompagnant sexuel depuis 2015.

Face aux « pressions » de l’entourage, beaucoup le sollicitent « en cachette » et donnent rendez-vous « plutôt à l’hôtel ». « Quand elles sont autonomes financièrement ça va, mais quand elles sont sous tutelle, elles doivent économiser pendant plusieurs mois », confie Fabrice. Souvent, « elles rebroussent chemin au dernier moment » de crainte d’être poursuivie pour achat d’acte sexuel, puni d’une amende de 1.500 euros – 3.750 euros en récidive – depuis la loi prostitution d’avril 2016.

Depuis 25 ans, ce praticien en « relation d’aide psycho-corporelle » basé à Lyon aide ses patients à « se reconnecter à leur corps, à leur sensualité voire leur sexualité » par des massages tantriques. « Des gens valides me contactent pour la même démarche, car il n’y a pas que les handicapés qui sont en détresse affective et sexuelle », souligne-t-il.

« Je sais que ça choque beaucoup de monde… Mais je m’en fous, je sais que ce que je fais est efficace, que mes patientes sont ravies », dit-il.

« Il faut légaliser cette démarche, en faire un travail social et médical », demande Fabrice. « Avec un statut, ni les familles, ni les établissements ne pourront plus s’abriter derrière le prétexte de la pénalisation ».

Présentant son plan handicap mardi, le président Emmanuel Macron a plaidé pour que le droit à la vie sexuelle des handicapés ne soit plus « un tabou dans la société ».

Dimanche, la secrétaire d’Etat Sophie Cluzel s’était déjà dit « favorable » à cet accompagnement sexuel sur le modèle existant dans plusieurs pays européens (Belgique, Pays-Bas…) et a saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) pour étudier la question.

Militants au Syndicat du travail sexuel (Strass), Cybèle et Fabrice souhaitent que cela débouche vers « la fin de la criminalisation » de la prostitution. « Il y aurait les méchants qui sont valides et les handicapés? », demande Cybèle.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

GIPHY App Key not set. Please check settings

    Au Caire, un quartier historique sacrifié sur l’autel de la nouvelle capitale

    Les Philippines notifient aux États-Unis leur intention de mettre fin à un important pacte de sécurité