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« Il va y avoir des drames »

Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la déferlante de malades du coronavirus, un anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l’AFP, sous le couvert de l’anonymat, le résumé de sa journée en pleine crise sanitaire.

– Mercredi 25 mars –

« Toutes les journées sont de plus en plus fatigantes et prenantes. Encore des modifications organisationnelles en vue, jusqu’à ce qu’on ait complètement épuisé les capacités d’extension de l’hôpital.

Il y a le problème des respirateurs mais c’est selon moi encore un faux problème, ou une façade. On en parle beaucoup, mais il y en a d’autres moins connus. On a surtout besoin de scopes pour surveiller les patients (le moniteur où s’affiche la courbe des fonctions vitales, ndlr), de pousse-seringues électriques, d’espaces adaptés où mettre les malades, et de soignants pour s’en occuper…

On va encore ouvrir d’autres lits supplémentaires. Demain ou après-demain. Mais la tension monte franchement depuis quatre ou cinq jours. On commence à se dire que certains malades ne pourront aller en réanimation alors qu’en temps normal ils y auraient eu accès. Ce n’est pas encore le cas, mais ça va venir. C’est quasiment inévitable.

Pour l’instant il y a assez de monde. Des internes, des externes, des infirmiers et des aides-soignants sont venus en renfort. Mais on commence à atteindre nos limites, j’ai l’impression.

Et le personnel a peur. Peur d’être malade. Pas trop les médecins, on se sent souvent au-dessus de ça. Pas parce qu’on est super fort, mais plutôt parce qu’on a intériorisé que +les cordonniers sont les plus mal chaussés+. Et les soignants ont aussi peur de s’épuiser, physiquement et psychologiquement et de devoir prendre des décisions difficiles.

Pas de décès aujourd’hui en réanimation. Mais plusieurs patients qui sont dans un état grave. Jeunes pour certains, ou pas très vieux, ça dépend du point de vue. Enfin pas un âge pour mourir quoi qu’il en soit.

L’unité non-Covid, avec le reste des malades, survit pour l’instant. Mais elle risque d’être diminuée dans les jours à venir, faute de places pour les patients Covid.

Encore ce week-end, je ne croyais pas trop à tout ça. Je pensais que l’hôpital était en mesure de tout absorber.

Mais depuis deux trois jours je n’y crois plus. Il va y avoir des drames et je crois que ça fait peur à tout le monde ».

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