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« est-ce le pic ou simplement une accalmie ? »

Praticien dans un hôpital de la région parisienne, en première ligne pour traiter la déferlante de malades du coronavirus, un anesthésiste-réanimateur livre tous les jours pour l’AFP, sous couvert d’anonymat, le résumé de sa journée en pleine crise sanitaire.

– Vendredi 3 avril –

L’accalmie semble se confirmer. Depuis deux jours, il y a quand même moins d’appels, moins de pression constante de chercher des lits là où il n’y en a pas. On a l’impression de pouvoir respirer un peu.

Est-ce qu’effectivement le pic épidémique est en train d’arriver? Ou encore mieux déjà dépassé? On ne le sait pas mais on l’espère fortement. Il se pourrait aussi que ce ne soit qu’une accalmie avant un retour de la tempête.

On pense être en décalage avec les régions de l’Est de quelques jours. Là-bas aussi, les choses semblent être plus calmes depuis plusieurs jours. Tant mieux!

Est-ce la stratégie de confinement qui porte enfin ses fruits? C’est possible. Auquel cas, il ne faut probablement surtout pas relâcher maintenant… même si c’est très long pour tout le monde.

Nous ne donnons que peu de nouvelles à nos proches. Le soir, je n’ai pas envie de raconter à nouveau ma journée à d’autres gens par téléphone alors qu’il est déjà assez difficile de se sortir de cela. Nous sommes probablement nombreux à verser quelques larmes de temps en temps…

Plus concrètement, il est certain qu’on risque de manquer de certains médicaments. Essentiellement des hypnotiques et des curares. Ce sont des médicaments indispensables pour permettre aux patients d’être ventilés et oxygénés correctement. Sans ces médicaments-là, les respirateurs, au centre des discussions il y a quelques jours, ne servent tout simplement à rien.

Mis à part ça, les propos de certains professeurs de médecine nous font beaucoup de mal. La course à la publication et la notoriété pour certains, et les propos polémiques pour d’autres, conduisent les familles à nous supplier d’introduire certains traitements dont l’efficacité n’est absolument pas démontrée.

En parallèle, ce coronavirus remet tout à plat. Nous ne comprenons pas tout à cette maladie, loin de là. Nos traitements de réanimation sont approximatifs car extrapolés par analogie à ce que nous connaissons bien, comme les détresses respiratoires causées par la grippe, par exemple. L’analogie est probablement trop simple, mais nous n’avons pas le choix.

Il faut réussir à rassurer les familles, expliquer, comprendre les inquiétudes et les demandes. Cela prend du temps, crée énormément de doutes envers le corps médical, déstabilise les proches des patients hospitalisés en réanimation, déjà extrêmement secoués par les conditions d’hospitalisation et l’impossibilité de rendre visite…

Eventuellement, le déconfinement aura lieu. Nous le savons. Nous en avons peur. Il y aura nécessairement un rebond du nombre de cas. Le moins possible on l’espère, parce que le plus dur actuellement est de se dire qu’il faut tenir ce rythme encore plusieurs semaines.

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