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En Tunisie, l’Aïd « sacrifié » des voyageurs en quarantaine obligatoire

Rentrés au pays juste à temps pour l’Aïd el-Fitr, des milliers de Tunisiens passeront cette fête pourtant loin de leur famille, obligés de s’isoler en quarantaine dans des hôtels, afin de lutter contre la propagation du nouveau coronavirus.

« C’est une précaution importante pour protéger mes amis et ma famille », affirme Mohamed Khalil, 34 ans, revenu à Mahdia (est) avec son épouse après avoir perdu son emploi de chauffeur de bus à Ryad.

Il peine néanmoins à rester cloîtré dans leur chambre d’hôtel et arpente le hall où les légers rideaux soulevés par la brise laissent apercevoir une mer turquoise.

« On a eu très peur car parmi les voyageurs venus d’Arabie saoudite, il y a eu des prélèvements positifs », témoigne-t-il. « Ca nous aide à prendre les choses au sérieux: on met les masques, on se lave les mains. »

L’épidémie a marqué le pas en Tunisie, avec peu de nouveaux malades officiellement identifiés par semaine et 47 décès au total depuis le début de la pandémie. Les autorités ont en conséquence commencé à lever les mesures de confinement strictes, mises en place dès les premiers cas mi-mars.

Mais l’isolement hors du domicile reste obligatoire pour les personnes arrivant de l’étranger, tout comme pour les soignants en contact avec des malades du virus, même s’ils n’ont pas été hospitalisés.

Certains pays ont jusque là rejeté une quarantaine obligatoire pour les voyageurs –en France, le Conseil constitutionnel l’a qualifiée de mesure « privative de liberté ».

Beaucoup imposent un isolement à domicile, comme le Royaume-Uni, mais d’autres exigent le passage par des centres d’isolement, comme l’Algérie, l’Egypte ou le Kenya.

Parmi les onze personnes contaminées identifiées en Tunisie cette semaine, sept étaient déjà placées en quarantaine à la suite de leur arrivée de l’étranger.

Dans un hôtel voisin de celui de M. Khalil, les confinés qui devaient sortir avant le week-end de l’Aïd el-Fitr, la fête marquant la fin du mois de jeûne du ramadan, ont finalement été sommés de rester, l’un d’eux ayant été détecté positif après dix jours de quarantaine.

« C’est un peu tendu. A la fois ils ont peur d’être malades et ils veulent rentrer chez eux pour les fêtes », explique le Dr Samir Lahouel, responsable régional de la santé préventive.

« Mais leurs familles nous appellent aussi pour s’assurer qu’on ne les laissera pas sortir sans être sûrs qu’ils sont sains. »

– L’Aïd sur Skype –

Les voyageurs sont libérés après 14 jours de quarantaine et deux tests négatifs, ou sept jours pour ceux qui ont effectué un test négatif avant le départ.

« On est très bien accueillis mais un peu inquiets, on attend avec impatience les tests », explique Atef Maherzi, médecin rapatriée mardi d’Arabie saoudite, en quarantaine dans le même hôtel que les époux Khalil.

Cette année, elle va passer l’Aïd dans sa chambre à faire les traditionnelles visites familiales « sur Skype »: « D’habitude, je suis la maîtresse de maison mais là, mon mari va recevoir les invités tout seul. »

« C’est un sacrifice pour la santé », estime-t-elle. « Il vaut mieux prévoir d’en faire trop plutôt que de se retrouver avec des hôpitaux débordés. »

Plus de 70 hôtels ont été mis gratuitement à disposition pour accueillir les confinés: l’Etat ne paie que les repas qui leur sont fournis.

Environ 15.000 Tunisiens sont passés par ces centres à leur retour de l’étranger. Plus de 3.500 y passeront la fête de l’Aïd el-Fitr dimanche.

Certains se sont retrouvés dans des hôtels de luxe, occupant de vastes suites avec vue sur mer. Mais d’autres ont atterri dans des unités désaffectées depuis plusieurs mois à la propreté douteuse.

Dans les chambres feutrées de l’hôtel El Mouradi, à Mahdia, les confinés ont le droit de se promener seuls sur la plage mais l’ambiance n’est pas aux vacances.

Chacun fait son ménage et sa lessive. Médecins et infirmiers appellent chaque jour les 200 hôtes, guettant le moindre signe de fièvre ou de toux, et intervenant pour qu’ils ne quittent pas leur chambre.

Des organisations de défense des droits humains comme l’Instance nationale de lutte contre la torture, ont visité des centres de quarantaine, insistant pour que les confinés aient le droit de sortir une heure par jour de leur chambre, ce qui n’est pas toujours le cas.

Une enquête a néanmoins été ouverte pour détention arbitraire après la plainte d’un homme d’affaires et de sa femme, qui s’étaient enfuis de quarantaine et y ont été ramenés manu militari par la police, selon des médias tunisiens.

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