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Un tournant historique dans le dossier du massacre des opposants iraniens dissimulés pendant trente ans

Un groupe de Rapporteurs spéciaux des Nations Unis a écrit aux autorités iraniennes pour les aviser qu’il était « sérieusement préoccupé par le continuel refus de divulguer le sort et l’emplacement» des personnes tuées lors du massacre des prisonniers politiques iraniens en 1988.

Le groupe dénonce un « crime contre l’humanité » et exige une « enquête approfondie et indépendante » et des «certificats de décès précis» fournis aux familles des victimes, après plus de trente ans de dissimulations. L’équipe de l’ONU a écrit sa lettre en septembre, mais elle n’a été rendue publique qu’à la veille de la Journée mondiale des droits de l’homme, le 10 décembre.

L’appel de l’ONU à rendre des comptes pour « les massacres des prisons », a été qualifié par Amnesty international d’ « une « avancée capitale » et « une étape décisive pour le combat de longue date que mènent les familles de victimes et les survivant.es, avec le soutien d’organisations iraniennes de défense des droits humains ».

« Nous craignons que la situation constitue un crime contre l’humanité», affirment les experts de l’ONU. Ils ont en outre averti que si l’Iran continue de « refuser de respecter ses obligations», il ferait inévitablement face à une enquête internationale.

Diana Eltahawy, directrice adjointe d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, estime que la lettre constitue une «avancée majeure» qui envoie un message clair selon lequel les meurtres «ne peuvent plus rester sans explications et ou sanctions».

Amnesty a qualifié les massacres de crimes contre l’humanité dans un rapport publié en 2018. L’organisme souhaite que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU mette en place un mécanisme international adéquat pour enquêter.

Plus de 30 000 victimes

Dans sa dépêche sur le dossier, l’Agence France Presse a précisé que « des milliers de jeunes ont été exécutés sans jugement en Iran en 1988. Les personnes tuées étaient principalement des partisans de l’Organisation des Moudjahiddines du peuple de l’Iran (OMPI) (…) Le Conseil national de la résistance iranienne, le ‘gouvernement des opposants en exil’, chiffre les victimes à 30 000 ».

L’OMPI, principale force de l’opposition iranienne, accuse plusieurs dirigeants qui occupent toujours des postes clés dans le gouvernement iranien, d’être impliqués dans ces meurtres. Dans son rapport de 2018, Amnesty affirme que le chef de la justice iranienne, Ebrahim Raisi, et l’ancien ministre de l’Intérieur et de la Justice, Mostafa Pour Mohammadi, ont participé à des «commissions de la mort» qui décidaient des exécutions.

En 2016, un enregistrement audio d’une réunion entre l’ayatollah Hossein Ali Montazeri, successeur désigné de Khomeiny à cette époque-là, avec des responsables d’une «commission de mort». Dans cet enregistrement sonore, posté par son fils, on peut entendre les propos échangés, le 15 août 1988, entre Montazeri et les membres de la « commission de la mort ». Montazeri proteste ainsi contre le massacre des prisonniers politiques commencé quelques semaines plutôt : « Le crime le plus important commis sous la République islamique et pour lequel nous serons condamnés par l’Histoire, c’est vous qui l’avez commis et c’est pourquoi l’Histoire enregistrera vos noms en tant que criminels (…) Notre peuple a (le principe) du Guide suprême en abomination. Ce n’est pas comme ça que je voulais que ça se passe. Dans 50 ans, Khomeiny sera jugé comme une figure sanguinaire et cruelle ».

Les opposants iraniens ont loué la démarche des Rapporteurs spéciaux de l’ONU de « pas sérieux vers la justice» et ont estimé que « le monde doit agir pour empêcher de futurs massacres, à l’instar de ceux survenu en novembre 2019  lors des grandes manifestations antigouvernementales. Plus de 1500 manifestants avaient alors été tué à bout portant par les forces répressives qui en ont torturé d’autres à mort dans les sinistres prisons des islamistes au pouvoir en Iran. Ce pays détient en outre le record mondial du nombre d’exécution par habitants.

La dirigeante de la Résistance iranienne, Maryam Radjavi a pour sa part estimé que « le non-respect par le régime de ses obligations en vertu du droit international des droits de l’homme, concernant notamment l’annonce du sort et du lieu de sépulture des personnes exécutées, rend encore plus nécessaire de renvoyer le dossier de ce crime permanent contre l’humanité devant le Conseil de sécurité des Nations Unies et de poursuivre en justice les responsables, les commanditaires et les auteurs de ce grand crime du siècle ».

Selon Radjavi, « les dirigeants actuels de l’Iran, en particulier Khamenei, Rohani, Raïssi, et de nombreux ministres et responsables judiciaires, du renseignement et des pasdarans sont impliqués dans le massacre des prisonniers politiques de 1988 et de toutes les années 1980. Ils doivent être traduits en justice pour crimes contre l’humanité ».

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