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Egyptiens, Soudanais et Ethiopiens s’écharpent sur la toile

Vidéos caustiques, échanges belliqueux et caricatures: depuis un mois, des internautes éthiopiens, égyptiens et soudanais ferraillent sur les réseaux sociaux au sujet du grand barrage controversé du Nil.

Appelé à devenir la plus grande installation hydroélectrique d’Afrique, le Grand barrage de la Renaissance (Gerd), construit par l’Ethiopie, constitue depuis une décennie une source de tensions avec Le Caire et Khartoum.

A plusieurs reprises, Le Caire et Addis Abeba ont adopté une rhétorique offensive, évoquant la possibilité d’une guerre de l’eau dans le bassin du Nil.

L’Ethiopie considère le barrage comme indispensable à son développement. Mais le Soudan et l’Egypte craignent qu’il ne restreigne leur accès à l’eau. Le Caire tire du Nil 97% de ses besoins en eau.

Le fleuve, qui coule sur quelque 6.000 km, est une source d’approvisionnement en eau et en électricité pour une dizaine de pays d’Afrique de l’Est.

– « C’est mon eau » –

Les internautes éthiopiens et égyptiens multiplient sur les réseaux sociaux les vidéos au ton va-t-en-guerre, alimentant la rivalité entre Le Caire et Addis Abeba, alors que depuis juin, la tension a monté d’un cran dans les négociations.

Dans l’une des vidéos publiée sur Facebook, Twitter et Tik Tok, une Ethiopienne munie d’une cruche verse de l’eau dans une coupe en verre représentant le Soudan, puis dans un gobelet en plastique censé symboliser l’Egypte.

« Tenez, avec tout mon amour (…) Ah, les Egyptiens, oui, pas de problème », dit-elle en arabe en remplissant la coupe puis le gobelet avant de soudain vider le dernier et de lâcher: « C’est mon eau, je fais ce que je veux! ».

Dans une autre vidéo, publiée sur les mêmes réseaux sociaux, une Egyptienne démolit avec un plaisir apparent une forteresse de jouets de construction surmontée d’un drapeau éthiopien, qui cache un verre d’eau. Elle finit par siroter le verre avec une paille.

Fin juin, l’Ethiopie a réaffirmé sa volonté de commencer à remplir le réservoir du barrage en juillet, tout en s’engageant à essayer de conclure un accord avec l’Egypte et le Soudan, sous l’égide de l’Union africaine (UA).

La semaine précédente, Le Caire avait appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à intervenir sur ce dossier, qui représente une menace « existentielle » à ses yeux.

Sur Facebook, le caricaturiste soudanais Omar Dafallah a croqué son Premier ministre, Abdallah Hamdok, en train de remplir une carafe au côté du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi qui s’affaire autour d’un bidon.

Mais le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, obstrue le robinet, avec un bouchon étiqueté « Barrage de la Renaissance ».

Pour Ahmed Diab, caricaturiste pour le journal d’Etat égyptien Rose el-Youssef, l’art « fait partie intégrante de la guerre psychologique » menée par les trois pays autour de la question du barrage.

A ses yeux, Addis Abeba fait preuve de « condescendance » et « met (les pays riverains) devant le fait accompli ».

Un de ses dessins suggère qu’en cas de conflit armé, l’Egypte pourrait infliger à l’Ethiopie des pertes similaires à celles qu’elle a fait subir à Israël durant la guerre du Kippour, en 1973.

– « Construire des ponts » –

Parmi les internautes, des personnalités influentes se sont jointes au débat sur les réseaux sociaux, comme Jawar Mohamed, figure de l’opposition éthiopienne vivant aux Etats-Unis.

« L’Egypte et ses soutiens doivent savoir que l’Ethiopie procédera au remplissage du barrage de la Renaissance en juillet, avec ou sans accord », a-t-il tweeté.

« Si l’Ethiopie ne revient pas à la raison, nous, peuple égyptien, serons les premiers à appeler à la guerre », a affirmé de son côté le milliardaire égyptien Naguib Sawiris, sur Twitter.

Pour Wubalem Fekade, responsable de la communication du bureau technique du Nil oriental (ENTRO), branche exécutive de l’ONG de pays riverains « Initiative du bassin du Nil », ces échanges sur internet peuvent être bénéfiques.

« Si les réseaux sociaux sont utilisés de manière constructive », dit-il, « ils peuvent permettre de construire des ponts, par-delà les divergences ».

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