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En Guyane, des soignants exténués travaillent « la peur au ventre »

En Guyane, alors que les patients sévèrement atteints par le Covid continuent d’affluer à l’hôpital, les soignants exténués vont travailler « la peur au ventre », en butte à l’agressivité des antivax.

« Le personnel hospitalier vient travailler la peur au ventre », assure Christiane Vanessche, coordonnatrice des soins dans un centre hospitalier de Cayenne éprouvé par la vague de Covid-19.

Marchant dans les couloirs des soins d’urgence de l’hôpital, cette cadre de santé ne cache pas son inquiétude face aux « rivalités entre personnels vaccinés et les non-vaccinés ».

« Cette dualité est extrêmement préoccupante » explique-t-elle, citant aussi l’état de fatigue des équipes et la vague d’arrêts-maladie en cours à l’hôpital, atteignant aujourd’hui un personnel sur cinq.

L’ARS de Guyane a fait état vendredi d’un niveau de décès « jamais atteint » en Guyane, où 21 personnes ont perdu la vie en sept jours des suites du Covid-19.

Un peu plus loin au service réanimation, c’est le grand calme. Au chevet des patients allongés, certains placés en coma artificiel, les mines sont tendues, mais les sourires s’accrochent malgré tout au visage de celles et ceux qui, masqués depuis un an et demi, ne lâchent rien.

« On est épuisés » confirme Christiane, infirmière vêtue d’une blouse de protection bleue. « Il n’y a pas de clan ici entre les soignants, par contre il y a beaucoup d’incompréhension de notre travail de la part des familles des patients. Elles ne nous font pas confiance et ça, ça crée beaucoup de tensions », explique la jeune femme.

« Il y a pas mal d’incivilités à l’encontre des soignants, qui sont le fait d’un ras-le-bol général de la population », explique le Pr Jean Pujo dans la demi-pénombre de l’entrée du service des urgences.

« Les soignants se sentent seuls » face à cette violence, explique à son tour avec beaucoup de lassitude Guillaume Icher, le responsable du vaccinodrome de Cayenne, qui regrette qu’il n’y ait « aucun soutien politique ».

Depuis des mois, la Guyane est sous le coup de semi-confinements plus ou moins serrés. Les restaurants, les centres de distraction sont toujours fermés. La vie sportive et sociale est en demi-teinte, engendrant de nombreuses crispations auxquelles s’ajoutent des opérations menées par des collectifs minoritaires opposés à l’obligation vaccinale et au pass sanitaire. Lundi, le déroulement d’une campagne de vaccination organisée à Cayenne par La Croix Rouge a ainsi été perturbé par des antivax.

– Aller chercher les indécis –

Devant la presse, le ministre des outre-mer Sébastien Lecornu, en déplacement en Guyane jusqu’au 28 septembre, a exprimé samedi son « inquiétude » quant à « l’avenir de la Guyane ». « Car là où la vie redevient normale dans d’autres territoires, en Guyane on maintient les exceptions avec des restrictions de libertés ». « Les personnes en réanimation sont intégralement non-vaccinées, c’est une épidémie de gens non-vaccinés », a-t-il répété, n’écartant pas le risque d’un « scénario antillais ».

Et ces restrictions pourraient perdurer car la campagne vaccinale à Cayenne est en plein « crash » : « On est à 10% de nos capacités journalières, c’est le taux le plus bas qu’on ait jamais enregistré », explique Guillaume Icher, soit le passage de 60-70 personnes par jour dans la plus grande ville du territoire.

Dans le même temps, 25 à 30 patients Covid sont admis chaque jour aux urgences de Cayenne. Le service de réanimation a triplé sa capacité de lits depuis le début de la pandémie.

Pour Claude Flamand, épidémiologiste à l’Institut Pasteur de Guyane, l’enjeu est de taille. A ce jour, la couverture vaccinale complète atteint péniblement « 30,5 % » chez les plus de 12 ans selon les données officielles. « 10% de la population est covidosceptique, 15% sont des vaccino-sceptiques qui préfèrent l’immunité naturelle et les remèdes traditionnels et 25% de la population sont indécis », expose l’épidémiologiste.

Selon lui, « ce sont les indécis que les autorités devront aller chercher. Ils ne sont pas contre la vaccination mais ils se disent +pas encore prêts+ ».

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