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Au camp des Milles, le confinement « n’étouffe pas » la mémoire des déportés

Maria Dymenbaum, 11 ans, Daniel Kaminsky, deux ans…le nom d’une centaine d’enfants juifs envoyés à la mort à Auschwitz a résonné dimanche depuis le camp des Milles, à Aix-en-Provence, pour que le confinement « n’étouffe pas la mémoire des déportés ».

Si aucun public n’était présent physiquement pour entendre ces noms égrenés dans le silence puis le chant des déportés entonné a cappella devant le wagon du souvenir, des milliers de personnes ont regardé la cérémonie sur la page Facebook de ce site-mémorial (@www.campdesmilles.org).

Chaque année, le camp des Milles, lieu de mémoire installé dans une ancienne tuilerie du Sud-Est de la France d’où quelque 1.800 juifs furent déportés en 1942, commémore les victimes de la Shoah et les « Justes » qui ont résisté, aidé et protégé hommes, femmes et enfants de la barbarie nazie.

Quelque six millions de Juifs ont été exterminés durant la Seconde Guerre mondiale.

Mais cette année, impossible en raison de l’épidémie de coronavirus, d’accueillir des centaines de personnes, jeunes, déportés, représentants des communautés juives ou des associations de Résistants pour marquer la journée du souvenir des victimes et des héros de la déportation, organisée en France le dernier dimanche d’avril.

Malgré tout, Alain Chouraqui, président de la Fondation du camp des Milles, a voulu maintenir une cérémonie « même symbolique, même restreinte ».

Seuls, lui, la directrice-adjointe de la Fondation, Odile Boyer, le président de la communauté juive d’Aix-en-Provence, Dan Amiach, le sous-préfet Serge Gouteyron, et une représentante de la mairie, certains portant un masque, ont rappelé le souvenir des déportés et des « Justes » sur le site. Sur le wagon du souvenir, des photos de tous les Juifs déportés depuis le camp des Milles étaient projetées.

Comme celles de Johanna Cahn, femme d’un boucher allemand, qui mourut dans le camp d’extermination d’Auschwitz ou d’Abraham Wolkowitz, un musicien polonais.

« Il ne faut pas que le confinement étouffe aussi la mémoire des déportés et ce qu’elle nous apprend pour aujourd’hui », insiste dans son discours Alain Chouraqui.

Il n’oublie pas ce que raconta son père Sydney Chouraqui, résistant, qui fit partie des « libérateurs », du camp de Dachau-Landsberg. « C’est avec un véritable effroi, mêlé de rage, que nous avons découvert ces survivants décharnés, hallucinés, égarés », racontait l’homme, décédé en 2018, dans son journal.

– « Un jour, le printemps refleurira » –

« Ce ne sont pas des extraterrestres qui ont conduit à cette horreur, ce sont des hommes ordinaires pris dans des engrenages trouvant leur origine, toujours dans l’Histoire, dans de graves crises économiques, sociales, morales et politique », insiste Alain Chouraqui dimanche.

« C’est, je crois, un rappel à faire aujourd’hui » au moment où la société traverse une crise profonde avec le coronavirus, poursuit-il.

La pandémie, qui a fait plus de 200.000 morts dans le monde depuis son apparition en décembre en Chine, a plongé des économies dans la crise et le chômage.

Si le feu « couve pour les démocraties » face à cette crise, mettait en garde M. Chouraqui il y a quelques semaines, il peut y avoir des surlendemains plus lumineux, insiste-t-il dimanche. « L’expérience historique prouve que, à chaque étape, chacun peut résister efficacement à l’engrenage des extrémismes » et dessiner de nouveaux contours pour l’humanité.

Même face à son ordinateur, Magdalena Schraeder, a ressenti une forte émotion en regardant la commémoration. « Les discours étaient très beaux », dit à l’AFP cette sexagénaire qui d’habitude vient sur les lieux. « Je suis très contente que ça ait eu lieu, parce que c’est quelque chose qu’on peut très vite oublier avec le virus ».

A la fin de la cérémonie, la directrice-adjointe de la Fondation du camp des Milles, Odile Boyer, a interprété, seule, le chant des déportés: « Pas un seul oiseau ne chante dans les arbres secs et creux (…) Mais un jour dans notre vie, le printemps refleurira ».

En ce dimanche de printemps, dans le camp des Milles résonnait clairement le chant des oiseaux.

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