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Alger sévit face aux agressions contre les blouses blanches

« J’appréhende ma garde, l’angoisse d’une agression par un proche d’un malade », confie Nassima, médecin en première ligne dans la lutte contre la maladie Covid-19 en Algérie. Face aux violences répétées contre le personnel hospitalier, les autorités ont décidé de punir sévèrement leurs auteurs.

« Il y a au moins une agression verbale à chaque garde », explique Nassima Adar, médecin anesthésiste réanimatrice de 37 ans au CHU de Sétif, l’une des villes d’Algérie les plus touchées par la pandémie.

Comparant récemment les soignants à des « moudjahidine (combattants) en blouses blanches », le président algérien Abdelmadjid Tebboune a voulu les rassurer, leur affirmant qu’ils étaient « sous l’entière protection de l’Etat et du peuple ».

Et dimanche, le gouvernement a adopté un projet d’ordonnance qui impose de lourdes sanctions pénales afin d' »assurer une meilleure protection des professionnels de la santé ».

Mais ce nouveau texte ne règlera pas à lui seul le problème de la violence dans les établissements hospitaliers, estiment des experts.

– « Jusqu’à dix ans de prison » –

Aux termes de la nouvelle législation, tout auteur d’agression risque jusqu’à dix ans de prison ferme. Et la perpétuité en cas de décès de la personne attaquée.

Ces dernières semaines, les violences contre le corps médical, durement éprouvé par la lutte contre une pandémie non maîtrisée et le manque de moyens, ont presque doublé. Une quinzaine de personnes ont déjà été arrêtées, inculpées et condamnées.

A tel point que le ministre des Affaires religieuses, Youcef Belmehdi, a lancé une campagne de solidarité avec les équipes médicales.

En première ligne depuis des mois et à bout, le personnel de santé et le corps médical ont payé un tribut particulièrement lourd à l’épidémie.

Comme le docteur Adar, quelque 2.300 professionnels de la santé ont été contaminés depuis l’enregistrement du premier cas de Covid-19 le 25 février, selon le ministre de la Santé Abderrahmane Benbouzid. Au moins 44 soignants sont décédés.

Troisième pays d’Afrique le plus touché, l’Algérie a déclaré officiellement plus de 27.300 cas de contamination, dont 1.155 décès.

Ainsi, quand il n’y a plus de place pour de nouveaux patients à l’hôpital, les médecins chargés de les orienter craignent au plus haut point les réactions des familles.

« Nous attendions une loi dans ce sens depuis longtemps », se félicite le Dr Adar qui espère que cette mesure ne sera pas qu’un simple effet d’annonce.

La répression servira de dissuasion, espère-t-elle, en plaidant pour une meilleure sécurisation des services de garde.

– « Changer les comportements » –

Début juillet, des membres de l’équipe de Mohamed Yousfi, chef du service d’infectiologie de l’hôpital de la ville de Boufarik, près d’Alger, un des principaux foyers de la pandémie, ont été violentés.

« L’agression a failli tourner au drame », témoigne le Dr Yousfi, rappelant que les insultes sont monnaies courantes et les demandes de protection du personnel de santé récurrentes, et ce avant même la pandémie de coronavirus.

Il pointe des défaillances du système de santé: manque d’agents de sécurité et de policiers, absence d’hôtesses d’accueil, pénurie de matériel médical…

« Un certain nombre d’agressions pourrait être évité en améliorant les conditions de travail, la sécurité du personnel soignant et en offrant de meilleures conditions d’accueil pour les malades et leurs accompagnateurs », plaide le Dr Yousfi qui prédit que si les problèmes sont réglés en amont, la loi ne sanctionnera plus que quelques récalcitrants.

Mais la tolérance zéro en matière de violence ne saurait régler à elle seule un mal plus profond, estiment des experts pour qui il faut rénover « en profondeur » le système de santé.

« Ce n’est pas en décrétant des lois que l’on va changer les comportements. Il faut une profonde refondation pour juguler la violence », préconise la sociologue Yamina Rahou. En cause: le déficit de communication entre soignants et patients. Les médecins se sentent dévalorisés et les patients délaissés.

Chercheur en sociologie de la violence, son collègue Abdelkrim Houari juge que « cette loi ne règlera pas le problème et ne fera qu’encombrer les tribunaux ».

M. Houari regrette en particulier la formation « purement technique » des nouvelles générations de médecins.

« Ils ne voient l’être humain que comme un corps à réparer. Le manque d’écoute pousse les gens vers la médecine parallèle et les charlatans », déplore-t-il.

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